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Orbis terrarum

Représentation du monde habité dans l’Europe médiévale

Dans les lignes qui suivent, le terme de géographie est employé par commodité, mais la « géographie » au sens contemporain n’existe pas au Moyen Age, ce qui n’empêche évidemment pas les savants latins de penser et de représenter l’espace. Jusqu’au début du XIVe siècle, les traités de géographie autonomes sont rares – avec quelques exceptions à l’époque carolingienne. C’est donc dans des textes de natures très diverses (encyclopédies, traités d’histoire naturelle, littérature latine et vernaculaire, récits historiques...) qu’il convient de chercher des descriptions du monde. Un deuxième trait caractéristique de la « géographie latine médiévale » est, comme dans de nombreux domaines du savoir médiéval latin, qu’elle est fondée sur la lecture des textes antiques et la méthode de la compilation, ce qui lui confère, à première vue, un caractère répétitif, souvent éloigné des réalités modernes – en apparence du moins. Cet aspect, parmi d’autres a priori, a longtemps conduit les historiens à considérer sous un jour négatif les productions médiévales de l’Europe latine, textes ou cartes, au motif que leurs auteurs, naïfs et crédules, n’avaient aucune représentation « scientifique » du monde. Dans le domaine des sciences, selon la doxa relative à la périodisation de l’histoire (héritée de l’humanisme), le Moyen Âge a longtemps été considéré comme une période de régression de la science antique, marquée par les dogmes chrétiens et le symbolisme, tandis que la Renaissance célébrait l’avènement de la rationalité et de la mesure, et préparait la révolution scientifique du XVIIe siècle. Il va sans dire qu’une telle conception est aujourd’hui largement abandonnée, mais elle a longtemps marqué les esprits, tout particulièrement dans le domaine de la géographie.

La richesse et la complexité des différents modes de représentation du monde sur un millénaire sont difficiles à rendre en quelques pages. Ce sont les traits essentiels qui seront résumés ici, à partir d’une ligne conductrice, celle de l’héritage antique qui a servi d’assise aux représentations de l’espace depuis le VIe siècle jusqu’à l’âge de l’humanisme et des grandes découvertes.

 Héritage antique et christianisation de l’espace

La connaissance de l’espace passe en premier lieu par la lecture de textes géographiques antiques et tardo-antiques, principalement la description du monde insérée par Orose en ouverture de ses Histoires contre les Païens (IVe siècle), le Recueil des merveilles du monde de Solin (IIIe siècle)  ; les livres treize (cosmographie et hydrographie) et quatorze (la terre habitée) des Étymologies d’Isidore de Séville (VIIe siècle) ; les livres trois à six de l’Histoire naturelle de Pline (Ier siècle), le livre VI (géométrie) des Noces de Philologie et de Mercure de Martianus Capella (Ve siècle), et, pour ce qui concerne la conformation du globe terrestre, le Commentaire du songe de Scipion de Macrobe (Ve siècle).

Le lettré, qui entend s’informer rapidement sans chercher à approfondir ses connaissances, peut se contenter de lire les descriptions d’Isidore de Séville et d’Orose. Le premier fournissait, par le moyen de l’étymologie, l’origine et par conséquent la nature profonde des objets géographiques décrits, tandis que le second (une des sources du premier) proposait une description ordonnée du monde, commode et facilement mémorisable. Ils ont largement contribué à la diffusion d’une image mentale simple largement partagée par tous : le monde habité (orbis terrarum) est divisé en trois grandes parties (Asie, Europe, Afrique) entourées par un océan, séparées par le Tanais (actuel Don) pour l’Asie et l’Europe, le Nil pour l’Asie et l’Afrique et la Méditerranée pour l’Europe et l’Afrique ; chacune des trois parties est ensuite divisée en provinces contiguës au sein desquelles sont énumérés montagnes, fleuves, villes, peuples, merveilles... Les lettrés médiévaux héritent tout à la fois de la méthode descriptive antique et de l’idéologie romaine qui unit connaissances géographiques et conquête romaine (Nicolet, 1988 ; Inglebert, 2001). Les savants médiévaux tendent à considérer que l’empereur romain, maître du monde par la conquête, a ordonné et validé les données géographiques rassemblées sous son autorité. Dès lors, il paraissait donc peu utile de remplacer les descriptions antiques par l’écriture de nouveaux traités géographiques modernisés. A cela, il convient d’ajouter que, à leurs yeux, la fonction essentielle d’une description géographique était de présenter une vue ordonnée, simplifiée et aisément mémorisable de la succession de provinces, qui tenait sa validité de la durée et de la permanence.

La simplification de l’image du monde s’est accompagnée au cours de l’Antiquité tardive et des premiers siècles du Moyen Âge européen d’une christianisation de l’espace. Nombre de descriptions du monde ouvrent sur cet espace particulier qu’est le Paradis terrestre, en général situé à l’Orient, à la fois réel et inaccessible aux hommes (Scafi, 2006). L’attribution du peuplement des trois parties du monde aux trois fils de Noé constitue un autre trait de cette christianisation, comme, à partir du XIIe siècle, la centralité du monde sur Jérusalem (au demeurant loin d’être systématique). En revanche, il importe de rappeler que, pour les lettrés du Moyen Age latin, la Terre n’a jamais été pensée plate. L’idée d’une terre plate, trait représentatif et spécifique de l’obscurantisme médiéval, où le savoir est dominé par l’Eglise, est une invention moderne (Russel, 1991, Gautier Dalché, 2013, p. 166-170). Au contraire, la Terre a toujours été conçue comme une sphère, située au centre de l’univers, autour de laquelle s’ordonnent les sphères des quatre éléments, de la lune et des planètes, puis des étoiles fixes, selon une conception aristotélicienne du cosmos. Celle-ci a aussi été christianisée, dans le cadre du développement de l’astronomie par l’ajout d’une ultime sphère, l’empyrée, demeure de Dieu, des anges et des élus.

 Processus de transformation des représentations de l’orbis terrarum

Dans les textes qui décrivent l’espace du monde habité, cette christianisation est cependant relativement limitée. C’est essentiellement l’espace antique qui est décrit, et la division du monde correspond surtout à une recherche de la permanence de structures spatiales presque immanentes (les provinces), indépendamment des changements historiques dont les savants et les clercs ont pourtant parfaitement conscience. Jusqu’au XIIe siècle, où la révolution scolaire entraîne une diffusion plus grande du savoir, les lettrés se repèrent aisément dans la toponymie antique, qu’ils associent sans difficulté au monde dans lequel ils vivent. A partir du XIIe siècle, la question de savoir s’il convient d’employer les noms de lieux antiques ou les modernes, notamment dans l’écriture de l’histoire, commence à se poser. Pour certains historiens, la nécessité de la modernité s’impose. En outre, le recours aux textes antiques et tardo-antiques n’induit pas une absence de réflexion sur l’espace. Les éléments d’origine antique – autrement dit issus de la lecture des sources – sont constamment adaptés et transformés en fonction des intérêts propres des auteurs. Dans des textes, qui paraissent a priori répétitifs, le choix des données, la manière dont elles sont agencées et les infimes variations par rapport aux sources, sont significatifs.

Que la christianisation des données soit restreinte ne doit cependant pas conduire à sous-estimer l’arrière-plan idéologique chrétien qui sous-tend certaines descriptions du monde. Dans son Liber de mensura orbis terrarum (825), le clerc carolingien Dicuil cherche à établir les mesures des provinces sur la base des mesures romaines transmises dans les textes antiques (en particulier Pline) et tardo-antiques (Divisio orbis), qu’il cherche à corriger tout en proposant, à partir de la lecture des textes, ses propres calculs. Mais si le contenu est essentiellement profane, l’arrière-plan conceptuel repose sur la notion d’un orbis terrarum, reflet d’un ordre cosmique, création divine fondée sur la mesure, et s’intègre dans une vision carolingienne du pouvoir dans laquelle le souverain est l’héritier des empereurs romains, eux-mêmes à l’origine et garants de la mesure du monde (Bouloux, 2013). Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, la partie géographique de l’Opus maius du franciscain Roger Bacon, philosophe et théologien, parfois considéré (à tort) comme le premier savant moderne, décrit les réalités concrètes de l’œcoumène, mais son but ultime est le gouvernement de la res publica Christianorum, selon une perspective eschatologique.

Le renouveau intellectuel, qui caractérise l’Europe latine au XIIe siècle a des conséquences sur les descriptions du monde. Dans le domaine de la géographie descriptive, l’intérêt pour l’espace se diffuse largement aussi bien dans des textes savants (encyclopédies, histoires...) que dans des textes littéraires (les romans d’Alexandre par exemple), sous la forme de descriptions d’ensemble de l’orbis terrarum, de topographies régionales, de descriptions de villes. Ce sont souvent des digressions au sein d’ouvrages a priori sans rapport avec la géographie. A quelques rares exceptions près, l’influence de la géographie descriptive arabe est à cet égard très faible. La description du monde d’Idrisi, élaborée sous le règne de Roger II dans un monde culturel marqué par les influences byzantine, arabe et latine, ne fut pas traduite en latin et n’eut aucun écho dans la géographie latine postérieure (Gautier Dalché, « Géographie arabe et géographie latine... », 2013).

Ce n’est en revanche pas le cas dans les domaines liés à la cosmographie et à l’astronomie, où la transmission des textes grecs et arabes se révèle décisive. La traduction de l’Almageste de Ptolémée et de nombreux traités astronomiques arabes (notamment des tables astronomiques d’Al-Khawarizmi) renouvelle considérablement les discussions relatives à la conformation de la Terre, à la position de l’œcoumène sur la sphère terrestre et à ses dimensions. L’Occident latin disposait jusque-là de la division du globe en zones climatiques, transmises notamment dans le Commentaire du songe de Scipion de Macrobe. Le globe est divisé en cinq zones, deux zones « froides » aux extrémités polaires, réputées inhabitables en raison du froid ; deux zones tempérées habitables limitées par les cercles arctiques et les tropiques, la zone septentrionale abritant l’espace habité par les hommes ; une zone torride centrale de part et d’autre de l’équateur, inhabitable en raison de l’extrême chaleur qui y règne. La division d’origine grecque de l’orbis terrarum en klimata, bandes de latitudes où la durée du jour au solstice ne varie pas de plus d’une heure, était aussi connue, par exemple à travers la description rapide et incomplète qu’en fait Pline dans le livre II de l’Histoire naturelle, mais elle était en général mal comprise et difficile à assimiler. Dans ce domaine, l’apport des textes gréco-arabes a donc été décisif. Il a permis d’approfondir les notions de latitude et de longitude, la connaissance des effets de l’inégale durée du jour selon les saisons, et a conduit à la production de traités astronomiques où ces questions sont discutées. Le plus célèbre d’entre eux, le Traité de la Sphère de Jean de Sacrobosco (vers 1230) expose à la fois la division en cinq zones climatiques de la sphère et la division en klimata de l’espace habité. Il a donné lieu à de multiples commentaires universitaires, dans lesquels sont discutées des notions relatives à l’extension de l’espace habitable vers le Nord, l’habitabilité et l’habitation effective de la zone torride, la localisation du paradis terrestre (que certains, comme Albert le Grand, situent à la suite des savants arabes sur l’équateur), l’existence des antipodes (habitants de l’hémisphère inférieur). Ces discussions universitaires, fondées sur des arguments rationnels, l’usage de la méthode spéculative et la prise en compte des faits de l’expérience, ont perduré dans les derniers siècles du Moyen Âge. Sans doute les solutions apportées à ces questions restaient diverses. Il n’empêche qu’il serait faux de penser que les Européens ont attendu le XVe siècle et les « grandes découvertes » pour prendre conscience de l’habitabilité de la zone torride. Il importe aussi de souligner que ces questions ont pour cadre une conception aristotélicienne du cosmos, dans laquelle l’espace terrestre est soumis aux influences célestes. Ce lien qui unit la terre au ciel est resté d’actualité tout au long du Moyen Âge et même au-delà.

A partir des croisades, les Latins ont une connaissance plus précise de l’espace moderne du Proche-Orient, en particulier celui de la Terre-sainte, objet de très nombreux récits de pèlerinages qui peuvent donner lieu à de véritables traités géographiques, comme celui de Burchard de Mont Sion (vers 1285). A partir du milieu du XIIIe siècle, l’émergence de la puissance mongole, passée la terreur suscitée par leur avancée fulgurante, et la création de l’empire mongol, ouvrent de nouveaux horizons à l’Europe latine. Les récits relatifs aux grands voyages vers l’Asie centrale et extrême-orientale réalisés essentiellement par des missionnaires comme Guillaume de Rubrouck ou Jean de Plan Carpin et des marchands comme Marco Polo ont pour effet une prise de conscience de l’immensité de l’Asie, de la diversité de ses habitants et de la petitesse de l’espace chrétien et du monde latin. Le but premier des récits de voyage n’est pas la description géographique du monde, mais les informations qu’ils contiennent intéressent certains savants, comme le franciscain Roger Bacon, dont il a été question plus haut, qui a rencontré un de ses confrères franciscains, le missionnaire Guillaume de Rubrouck. La question de l’intégration de ces connaissances nouvelles dans l’ordre descriptif ancien se pose désormais, en des termes qu’il convient de préciser. L’expérience moderne des voyageurs ne remet pas simplement en cause les connaissances anciennes livresques. Au contraire, elles ne sont souvent intégrées qu’en tant qu’elles font sens dans le cadre hérité de l’Antiquité et du savoir médiéval. Elles peuvent donc sur un point de détail remettre en cause une donnée héritée, mais elles ne rendent pas caduque le cadre épistémologique. Ainsi, dans son Opus Maius, Roger Bacon prend en compte un fait d’expérience rapporté par Guillaume de Rubrouck, la fermeture de la mer Caspienne, contre la représentation héritée de la géographie antique latine où la Caspienne est un golfe de l’océan. Mais il le fait essentiellement parce que ses propres recherches sur l’extension de l’espace habitable l’ont conduit à le considérer comme bien plus vaste que ne le font habituellement les astronomes, ce que le témoignage des voyageurs vient corroborer. Il reste que, à ses yeux, les faits d’expérience rapportés dans les textes antiques sont aussi légitimes que ceux des modernes (Bouloux, 2010).

Ce ne sont pas seulement les nouvelles connaissances venues de l’Asie proche et lointaine qui commencent à infléchir l’image du monde au XIIIe et au XIVe siècle. Des modifications plus profondes, internes à la culture latine, liées à la nécessité héritée du XIIe siècle de comprendre rationnellement le monde et son ordonnance, à la création de nouveaux centres de savoir (les universités) et à l’émergence de nouveaux milieux culturels, viennent transformer l’ordre du savoir. Dans le domaine qui nous occupe, les ordres mendiants, mais aussi les milieux laïcs urbains italiens liés au commerce, attachent une valeur pratique à la connaissance de l’espace. Elle est excellemment exprimée par Roger Bacon pour qui les missionnaires envoyés dans les régions lointaines de l’Asie doivent connaître la disposition des lieux où s’opérera leur prédication et les rites et comportements des peuples rencontrés, sous peine d’échouer. La connaissance de l’espace est aussi considérée comme une nécessité pour comprendre la création dans son ensemble, d’où sa part notable dans certaines encyclopédies comme le De proprietatibus rerum (vers 1230-1240) de Barthélemy l’Anglais. La conscience de l’utilité de la géographie pour une compréhension approfondie des faits historiques a pour conséquence un intérêt grandissant des historiens pour la géographie. Au début du XIVe siècle, Jean de Saint-Victor livre ainsi une longue et intéressante description du monde en ouverture de son Memoriale historiarum. Le franciscain Paulin de Venise (vers 1270-1344) complète ses divers traités historiques d’une description de l’œcoumène (De mapa mundi) et d’un dossier cartographique, qu’il considère comme deux modes complémentaires de représentation (Bouloux, 2002). Ainsi, entre le XIIe et la première moitié du XIVe siècle, l’intérêt grandissant pour le caractère concret et pratique de l’espace tend à accroître la prise en compte des réalités modernes, toujours en relation avec les données antiques. Dans le même ordre d’idées, la conscience de l’historicité de l’espace et notamment des changements importants qui se sont opérés depuis les temps anciens fait apparaître de plus en plus clairement les limites des descriptions fondées sur une réalité disparue. A partir du XIVe siècle, de plus en plus fréquemment, les réalités modernes viennent se juxtaposer aux anciennes, sans pour autant provoquer l’abandon des textes descriptifs antiques, qui continuent d’être la base du savoir.

 La transformation de l’héritage antique dans la cartographie médiévale

Pour la commodité de l’exposé, les cartes sont traitées à part, même si, comme on le verra dans ce qui suit, textes et cartes sont étroitement liés. Les cartes médiévales ne se réduisent pas aux seules mappemondes circulaires du type de la célèbre carte d’Hereford. Elles sont au contraire nombreuses et d’une grande diversité, tant dans leur nature que dans leurs usages. L’espace représenté est soit l’orbis terrarum (ou une de ses parties) soit, sous une forme schématique, l’ensemble de la sphère terrestre. Comme pour les textes, elles sont le résultat d’une transmission de la cartographie antique et tardo-antique, et d’une transformation de cet héritage en fonction des conditions intellectuelles et des usages dont elles sont l’objet.

Certains textes de nature géographique ou traitant de questions géographiques sont accompagnés de schémas cartographiques. C’est le cas du Commentaire du Songe de Scipion de Macrobe où l’auteur décrit une méthode graphique pour construire des schémas explicatifs, notamment une figure des cinq zones climatiques sur la sphère céleste, qui sont commentés et servent ainsi d’appui à la démonstration. Il ne donne en revanche aucune indication pour construire la mappemonde, qui vise à éclairer la situation des océans et éclairer la théorie des marées. Dans sa forme standard, cette mappemonde schématique s’est diffusée au IXe et au Xe siècle. Elle a été ensuite adaptée soit en étant simplifiée, soit au contraire augmentée de détails et de toponymes nouveaux (pour des reproductions de mappemondes schématiques, voir Chekin, 2006). Dans ce dernier cas, elle est souvent le résultat d’un travail sur le texte du copiste ou d’un lecteur et exprime la manière dont il comprend le texte, en utilisant parfois ses connaissances propres (Hiatt, 2007). Jusqu’à la fin du Moyen Age et encore à l’époque des premières éditions imprimées, ces schémas accompagnent le texte où ils servent à la fois à expliquer le texte et à induire des questionnements sur les réalités de la sphère terrestre.

Un autre type de schéma cartographique très répandu accompagne certains textes importants de la culture antique et médiévale. On trouve ainsi dans les manuscrits de La guerre de Jugurtha de Salluste ou de La guerre civile de Lucain des schémas illustrant la division en trois parties de l’œcoumène (schéma dit TO) et résumant les hésitations des Anciens relatives à cette partition (doit-on diviser l’orbis terrarum en trois ou en deux parties ?). Les premiers manuscrits où ils apparaissent datent pour l’essentiel des Xe-XIe siècles mais ils tirent probablement leur origine de l’époque tardo-antique et sont issus du travail d’explication des textes par les maîtres. Ils fonctionnent comme les gloses, fréquentes dans les manuscrits médiévaux, et visent comme elles à comprendre et à expliquer le texte qu’ils accompagnent (Gautier Dalché, 2008). Comme pour les figures accompagnant le texte de Macrobe, ces mappemondes schématiques sont recopiées tout au long du Moyen Age et imprimées dans les incunables. Mais il manque, pour les périodes tardives, une étude et une analyse de leur signification pour les copistes, éditeurs et lecteurs des XIVe et XVe siècles.

Les grandes mappemondes médiévales trouvent aussi leur origine dans les cartes antiques et tardo-antiques, ce qui est visible à la fois par la toponymie conservée –en particulier des toponymes rares d’origine antique et peu usité à l’époque médiévale-, par les limites des provinces romaines perceptibles dans certaines régions de l’œcoumène, et par les éléments structurant l’espace, comme le parallélisme fréquent sur les cartes entre la Seine, la Loire et la Garonne, ou encore l’alignement de la mer Caspienne et du golfe persique qui vient de la géographie d’Eratosthène. Dans le processus de transmission, l’époque tardo-antique (entre IIIe et VIIe siècle) a été décisive. C’est à ce moment que s’est produite une « mise en carte » de textes géographiques, en particulier le chapitre introductif des Histoire des contre les Païens d’Orose et les Collectanea rerum memorabilium de Solin (IIIe siècle), résumé spatialisé des livres géographiques de Pline et recueil de mirabilia (Gautier Dalché, 2008). Dans le même temps, la cartographie reçoit une empreinte chrétienne. Trois éléments caractéristiques de cette christianisation ont été évoqués plus haut pour les textes : centralité sur Jérusalem ; orientation à l’est ; représentation du paradis terrestre. Or ces éléments ne sont pas systématiquement présents sur toutes les cartes. Jérusalem apparaît au centre des cartes seulement à partir du XIIe siècle, ce qui peut s’interpréter comme un effet des croisades. Pour autant, toutes ne sont pas centrées sur Jérusalem. Prenons l’exemple de la carte dite de Sawley où quatre anges sont dessinés aux quatre coins du folio, l’un désignant en outre les peuples de Gog et Magog annonciateurs de l’Apocalypse, ce qui donne à la carte un caractère fortement « chrétien » : le centre de l’œcoumène est pourtant situé aux Cyclades, probablement sur l’île de Délos. L’orientation préférentielle à l’est des cartes est fréquemment soulignée. Pourtant, les mappemondes schématiques qui accompagnaient le Commentaire du songe de Scipion de Macrobe sont orientées au nord et la carte du camaldule vénitien Fra Mauro (vers 1460) est orientée au sud, pour des raisons qui tiennent non pas à l’influence arabe mais à la prise en considération de notions aristotéliciennes relatives à l’organisation du cosmos (Cattaneo, 2011). Enfin, le paradis terrestre est certes dessiné sur de très nombreuses cartes, mais pas sur toutes : la carte qui accompagne un exemplaire des Etymologies d’Isidore de Séville, dessinée dans la première moitié du XIIe siècle ne le porte pas (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 10058, f.154v). En réalité, il est difficile de définir une catégorie « mappemonde médiévale » qui permettrait d’élaborer à partir d’éléments systématiques une sorte d’idéal type auquel toutes les cartes seraient réductibles. Le monde des mappemondes médiévales est celui de la diversité.

La christianisation de la culture a conduit à des usages spécifiques de la cartographie. En particulier, les cartes, en tant que représentation de la réalité, ont pu servir à montrer l’espace à évangéliser ou déjà évangélisé. Certaines des cartes dites de Béatus, qui accompagnent son Commentaire sur l’Apocalypse, représentent les têtes des Apôtres en fonction de leur région d’évangélisation. Dans les milieux monastiques, où les cartes (mappemondes ou cartes schématiques) sont plus nombreuses qu’on ne l’a longtemps cru, celles-ci ont servi de support à des exercices spirituels sur l’œuvre de Dieu et la petitesse de l’homme. Cet usage des cartes a pour origine la vision cosmique de nature stoïcienne dont on a un exemple précisément dans le Commentaire du songe de Scipion de Macrobe. Ce dernier voit son oncle au cours d’un rêve où s’élevant vers le ciel, il perçoit d’un seul regard l’ensemble de l’œcoumène, ce qui l’amène à méditer sur la vanité de l’existence terrestre. Au VIIe siècle, le pape Grégoire le Grand décrit dans la vie de saint Benoît, le fondateur de l’ordre bénédictin, une expérience similaire. Le saint, placé à une fenêtre au sommet d’une tour très élevée, voit le monde entier à ses pieds, comme sur une carte, et perçoit avec force la petitesse de l’âme humaine (Gautier Dalché, 2008). Cette méditation cosmographique d’origine antique est christianisée et peut prendre désormais comme support une mappemonde. Celui qui médite voit à partir de la carte le monde tel que Dieu le perçoit. Ces exercices spirituels ont un bel avenir devant eux. Dans les milieux monastiques, toutes cartes étaient susceptibles d’être ainsi un support aux exercices de méditation spirituelle. Les grandes mappemondes du XIIe et du XIIIe siècle arborent des signes religieux. La carte d’Hereford (vers 1300) est surmontée d’un dessin du jugement dernier. Sur celle d’Ebstorf, dessinée pour les moniales du monastère du même nom, le monde est l’équivalent du corps du Christ, inséré entre sa tête, ses mains et ses pieds. Il n’est pas impossible que cette pratique ait atteint des fidèles moins lettrés, par le biais des cartes dessinées dans les églises ou en particulier dans les deux derniers siècles du Moyen Age, par celui de nombreuses peintures représentant l’univers, comme la Création du monde de Giusto de Menabuoi dans le baptistère de la cathédrale de Padoue, qui dessine l’œcoumène au sein du cosmos aristotélicien (vers 1376). La « méditation cosmographique » théorisée par Mercator dans la seconde moitié du XVIe siècle plonge ses racines dans des pratiques largement répandues au Moyen Age (Les méditations cosmographiques..., 2009).

Pour autant, les mappemondes ne se réduisent pas à une manifestation du divin dans l’espace. Elles ont aussi d’autres fonctions A partir de l’époque carolingienne, les cartes de toute nature sont fréquentes dans l’Occident latin. On les trouve certes exposées sur les murs des monastères, des églises, mais aussi dans les palais (cartes d’Henri III d’Angleterre à Westminster ; carte d’Ambrogio Lorenzetti dans le palais public de Sienne, milieu du XIVe siècle), et dans de très nombreux manuscrits où elles accompagnent souvent des descriptions géographiques. Elles sont pour leurs concepteurs et leurs utilisateurs des représentations de l’espace réel, des artefacts destinés à rendre intelligible les objets géographiques par un procédé graphique. Hugues de Saint-Victor, auteur d’une description d’une grande carte murale présente au monastère de Saint-Victor, définit la nature des cartes dans son prologue : « Les sages instruits dans les sciences tant profanes que sacrées ont pour habitude de peindre l’orbe terrestre sur des tableaux de bois ou du parchemin pour montrer à ceux qui désirent connaître ce qu’ils ignorent, les images des choses, puisqu’il leur est impossible de présenter les choses elles-mêmes ». Il importe de rappeler ce fait, dans la mesure où c’est le caractère symbolique des cartes (concomitant au demeurant à toute cartographie), associé à leur dimension chrétienne, qui a retenu pendant longtemps l’attention des savants.

Ces mappemondes ont des traits communs, proprement médiévaux, qui en font par conséquent aussi des artefacts de leurs temps plutôt que des produits dégradés de l’Antiquité. Le plus souvent rondes, elles dessinent l’œcoumène divisée en trois parties (Asie, Europe, Afrique) entourée d’un anneau océanique. Elles portent un grand nombre de toponymes, de légendes traitant de sujets divers (historiques, ethnographiques, zoologiques, cosmologiques, théologiques). Parmi les faits historiques, la geste d’Alexandre tient souvent une place prééminente, en relation avec la fascination exercée par le héros dans la culture cléricale et laïque depuis le XIIe siècle. Les dessins des êtres fabuleux ou monstrueux se font plus présents à partir du XIIIe siècle et ont des caractères qui les rapprochent des bestiaires, ces recueils d’animaux réels ou fabuleux qui servent de support à une interprétation allégorique ou morale. Les modèles tardo-antiques ont ainsi été adaptés et remaniés à chaque étape de leur transmission en relation avec les caractères pris par la culture cléricale et scolastique.

Une nouveau type de cartes apparaît sans doute dès le XIIe siècle dans les milieux des gens de mer et se répand au XIIIe siècle : les cartes marines qui adoptent le point de vue des navigateurs et représentent l’espace littoral. Elles peuvent être dessinées sur un parchemin entier ou assemblées par secteur maritime dans un atlas. Elles représentent avec une exactitude remarquable les littoraux méditerranéens, étendus à la mer Noire et au golfe persique, à la côte atlantique européenne. Elles comportent un réseau de lignes de vent (32), dessinées en étoile et indiquant l’orientation des lieux les uns par rapport aux autres, ainsi qu’une échelle graphique. Les toponymes sont inscrits perpendiculairement au rivage ; les îles, les dangers maritimes comme les hauts fonds ou les bancs de sable sont aussi signalés. On distingue habituellement deux types de cartes, celles dessinant sobrement uniquement le littoral (type italien) ou celles ajoutant de nombreux détails dans l’intérieur des terres (type catalan). Leur mode de confection a donné lieu à de nombreuses spéculations plus ou moins fantaisistes, qui ne débouchent sur aucune théorie satisfaisante. Leur présence à bord de certains bateaux est attestée sans qu’elle implique une utilisation efficace dans la détermination des routes et la navigation, encore pour l’essentiel fondée sur l’expérience des marins. Mais elles représentaient le triomphe du savoir-faire technique et de la culture des gens de mer (Gautier Dalché, 1995 ; 2002 ; Vagnon, 2013).

Produits cartographiques entièrement nouveaux, elles n’ont aucun lien ni avec l’héritage antique, ni avec la navigation musulmane. Elles ne représentent pas plus la victoire du réalisme et de la mesure et n’ont pas conséquent jamais remplacé les grandes mappemondes. Au contraire, un exemple précoce du début du XIVe siècle, la mappemonde dessinée par le cartographe génois Petrus Vesconte pour le marchand vénitien Marino Sanudo, auteur d’un traité de reconquête de la Terre sainte, et le franciscain d’origine vénitienne Paulin de Venise (mentionné ci-dessus), auteur de nombreuses œuvres historiques, introduit l’espace méditerranéen tel qu’il est dessiné sur une carte marine dans une mappemonde ronde. Cette carte est par ailleurs un rare exemple d’influence de la cartographie arabe, dans la mesure où certains traits structurant l’espace (le dessin de la mer Rouge et du golfe persique, la forme ptoléméenne du Nil) sont à rapprocher des cartes qui accompagnent le traité géographique d’Idrisi. Cette carte, dessinée à des fins essentiellement stratégiques, est un exemple précoce de synthèse entre différents types cartographiques, procédé caractéristique de la cartographie éclectique des derniers siècles du Moyen Age.

 La géographie humaniste (XIVe-XVe siècle)

D’abord en Italie dès le milieu du XIVe siècle, puis dans la seconde moitié du XVe siècle, dans une grande part de l’Europe, la culture humaniste domine l’ensemble des champs du savoir. C’est le cas de la géographie, au moment où l’Occident latin s’apprête à élargir son champ d’action à l’ensemble du monde. C’est sur la base de l’association entre les nouveautés issues de l’étude de textes antiques gréco-latins récemment traduits, et celles rapportées par navigateurs et les voyageurs, que les humanistes conçoivent l’espace moderne.

Nouvelles lectures de textes connus et redécouverte des textes géographiques antiques : Pomponius Mela, Pline, Ptolémée et Strabon

L’intérêt des humanistes pour la géographie nait d’abord de leur passion pour la culture de l’Antiquité, appréhendée à travers les textes qu’elle a laissés. Au XIVe siècle, pour Pétrarque (1304-1374), la compréhension approfondie d’un texte nécessite une bonne connaissance de l’espace qui lui sert de cadre. Il lit avec attention et esprit critique le De Chorographia de Pomponius Mela, dont il a découvert un exemplaire en un lieu encore inconnu vers 1335, et le fait connaître à ses amis italiens. Dès lors, Pomponius Mela, géographe latin du Ier siècle, quasiment ignoré jusque-là, devient un des auteurs au fondement de la connaissance de l’espace. Pétrarque a aussi lu avec autant d’attention les livres géographiques (III-VI) de l’Histoire naturelle de Pline, comme l’atteste son manuscrit, l’actuel BNF. lat. 6802 où sont conservées de nombreuses annotations de sa main, visant à éclairer le texte par la confrontation avec les autres géographes anciens. La lecture de Pline par Pétrarque préfigure deux nouveautés du XVe siècle. Certains humanistes lisent l’Histoire naturelle comme le fondement de toute entreprise d’histoire naturelle, ce qui nécessitait d’affronter les problèmes philologiques et de corriger le texte en vue d’établir son exactitude scientifique. Ce travail philologique culmine dans la seconde moitié du XVe siècle avec les premières éditions de Pline, dont certaines sont violemment critiquées (Fera, 1995), et les Castigationes Plinianae du patricien vénitien Ermolao Barbaro (1454-1493). Ces travaux ne sont pas seulement la mise en œuvre d’une érudition purement philologique ; pour établir le texte des livres géographiques de l’Histoire naturelle, les savants tendent à discuter les formes orthographiques et la logique spatiale du texte à partir de leurs connaissances propres, qu’elles soient de nature livresque et ou personnelles, si bien que le renouvellement de la lecture de Pline et les discussions savantes que l’encyclopédie antique suscitent participent totalement de l’intérêt pour la géographie à l’âge de l’humanisme.

La « redécouverte » des textes géographiques antiques est incontestablement dominée au XVe siècle par la traduction de la Géographie de Ptolémée, entre 1406 et 1410, à Florence, par Jacopo Angeli (Gautier Dalché, 2009). Pendant longtemps, l’apport de Ptolémée a été interprété par les historiens comme une rupture épistémologique profonde, illustrant voire même justifiant l’opposition entre Moyen Age et Renaissance, entre espace médiéval symbolique et espace moderne fondé sur une mathématisation de la nature. Des travaux récents, à partir d’une étude approfondie de la réception du texte au XVe siècle, ont montré combien cette opposition facile était obvie (Gautier Dalché, 2009). La traduction de la Géographie de Ptolémée n’a pas eu pour effet immédiat de modifier la nature de la représentation de l’espace. Cela pour deux raisons essentielles. D’un part, comme il a été vu plus haut, la notion de coordonnées (latitude et longitude) n’était nullement ignorée au Moyen Age, notamment à partir du XIIe siècle et des traductions de traités astronomiques arabes, auxquels étaient souvent joints des tables de coordonnées de villes. D’autre part, les humanistes florentins qui ont été parmi les premiers à lire Ptolémée ont surtout lu la Géographie comme un recueil remarquable par son exhaustivité de noms de lieu, sans s’intéresser de manière approfondie aux aspects méthodologiques relatifs à la confection des cartes, d’ailleurs peu compréhensibles dans la traduction de Jacopo Angeli. Il n’empêche que dès le milieu du XVe siècle, la Géographie s’est imposée comme un modèle, définitif pour certains, critiquable pour d’autres. Pour ces derniers, la critique du modèle entraînait la nécessité à la fois de moderniser Ptolémée et de le confronter à d’autres formes de représentation. La modernisation de Ptolémée s’effectue notamment par l’ajout de cartes régionales nouvelles, phénomène précocement illustré par la carte de Claudius Clavius (1427) qui dessine la péninsule scandinave sur la base de données modernes mais dans un cadre ptoléméen. Cependant, c’est surtout dans le dernier tiers du XVe siècle que des cartes régionales modernes sont jointes aux manuscrits et aux éditions du grand géographe. Dès la première moitié du XVe siècle, à Venise (Milanesi, 1996) ; Cattaneo, 2004), puis vers la fin du siècle à Florence, les géographes et cartographes ont confronté le modèle ptoléméen à des cartes de toute nature, en particulier les cartes marines. Le but était de construire une représentation exacte du monde qui concilie l’image antique avec les connaissances modernes, ce qui impliquait une réflexion approfondie sur l’espace. Ce n’est qu’à la charnière du XVe et du XVIe siècle que la conscience de la nécessité de réviser la traduction de Jacopo Angeli pour retrouver la méthode ptoléméenne de fabrication des cartes se fait jour, au moment même où les « grandes découvertes » incitent à dépasser Ptolémée, qui vaut désormais moins par son contenu que par sa méthode.

Une autre voie de réception de l’œuvre de Ptolémée consiste à associer les apports du géographe ptoléméen avec la géographie descriptive. Si Pline et Pomponius Mela représentaient deux monuments de la géographie descriptive latine, la traduction de Strabon par Guarin de Vérone (livre I à X) et Gregorio Tifernate (livre XI à XVIII), achevée vers 1458, apporte à la fois des données nouvelles et une réflexion sur l’utilité de la géographie pour la formation et le gouvernement du prince –et par conséquent, aussi du savant humaniste. Pour Strabon, la géographie est conçue comme une des formes les plus élevées de la philosophie, aux applications avant tout civiles, militaires et politiques. Cette conception de la géographie rejoignait un lieu commun de la géographie médiévale : le lien entre géographie et souveraineté, entre nécessaire connaissance de l’espace et exercice du pouvoir. L’association de Ptolémée et de Strabon a donné lieu à l’écriture dans la seconde moitié du XVe siècle de descriptions du monde sous la forme de Ptolémée strabonisé (Le septe giornata della geographia de Francesco Berlinghieri ; la Geographia de Sebastiano Compagni, actif à Venise à la charnière du XVe et du XVIe siècle). La réception de Strabon à partir du milieu du XVe siècle reste cependant encore une histoire en grande partie à écrire.

Caractères de la géographie humaniste

La méthode des humanistes :

La connaissance intime des textes géographiques antiques est par conséquent un des caractères de la géographie humaniste – sous cet aspect, peu différents de leurs prédécesseurs. C’est toujours sur la base des textes antiques que se constituent les représentations de l’espace moderne.

La lecture attentive et précise des textes géographiques antiques a conduit les humanistes, en premier lieu Pétrarque, à formuler une méthode d’investigation de l’espace. Dans son manuscrit de Virgile, conservé à la bibliothèque Ambrosienne à Milan, il expose les difficultés relatives à la connaissance des lieux : l’éloignement et l’impossibilité de la vérification de visu –la vérification in situ des lieux est en effet un idéal impossible à atteindre ; la mutatio nominum – autrement dit le changement des toponymes entre espace antique et espace moderne  ; les contradictions des auteurs ; et d’une manière générale, l’inconscience des simples lecteurs de l’importance de la détermination des lieux pour la compréhension effective des œuvres antiques (Bouloux, 2002).

Il propose une méthode fondée sur une « enquête scrupuleuse », qui vise à assurer la connaissance des lieux sur la base de la confrontation entre les textes géographiques (au milieu du XIVe siècle, Pomponius Mela et Pline), et des cartes de nature différente – parmi lesquelles des cartes marines. Les modalités par lesquelles Pétrarque interroge l’espace et cherche à résoudre des questions précises ne sont pas restées lettres mortes. Son ami Boccace (1313-1375) en reprend la substance dans la préface et la postface de son De montibus, silvis, fontibus, lacubus, fluminibus, stagnis seu paludibus et de nominibus maris (éd. M. Pastore Stocchi, 1998), un ouvrage destiné à constituer une sorte de dictionnaire géographique, utile à la lecture des textes antiques. Par-là, il assure la diffusion des considérations relatives aux difficultés de la reconstitution de l’espace antique –en particulier celles liées à l’identification et à la localisation des noms anciens. A la fin du XVe siècle, à Venise, lorsque Ermolao Barbaro entreprend d’exposer et de résoudre les problèmes de philologie géographique de l’Histoire naturelle dans ses Castigationes Plinianae, il reprend les principes méthodologiques énoncés par Boccace, sans le mentionner (Pastore Stocchi, 1996).

Espace antique, espace moderne :

Le XVe siècle est le grand siècle de la géographie humaniste, en particulier en Italie (Sebastiano Gentile, 1991, De Filippis, 2001, 2012). Les œuvres de Flavio Biondo (Italia illustrata) et d’Enea Silvio Piccolomini, De Europa (1458 ; description moderne et géopolitique de l’espace d’action de la papauté) et De Asia (1461 ; description de l’espace, en particulier asiatique sur fonds de préparation à la croisade contre les Turcs) en constituent les fleurons les plus connus et les plus commentés. Nous nous bornerons ici à examiner les problèmes d’ordre méthodologique rencontrés par les humanistes dans leur rapport avec l’espace antique.

Celui-ci est une réalité vivante pour les humanistes, ce qui ne signifie pas pour autant un désintérêt pour l’espace moderne, bien au contraire. Mais la confrontation entre les deux n’était pas sans difficultés. Reprenons l’exemple de la mer Caspienne. Dans son De montibus, organisé selon l’ordre alphabétique, Boccace juxtapose deux images de la Caspienne, celle des géographes antiques latins (mer ouverte) et celle des récits de missionnaires et de voyageurs modernes en Asie (mer fermée). Ce procédé qui consiste à ne pas choisir entre deux images contradictoires ne vient pas seulement d’une réticence à remettre en cause le savoir des Anciens –même si lui-même reconnaît dans sa postface son respect pour leur autorité – mais d’une incertitude qui est le propre de la géographie humaniste. Quelle géographie faire ? Une géographie destinée à comprendre les textes anciens, orientée uniquement vers la reconstitution de l’espace antique ou une géographie moderne qui prenne en compte le témoignage des modernes et l’accumulation des données nouvelles ? Face à ce dilemme, Boccace ne choisit pas, ou plus exactement, il choisit de juxtaposer les deux images du monde, l’antique et la moderne.

Ainsi, bien avant la traduction de la Géographie de Ptolémée, les humanistes du XIVe siècle ont défini les aspects méthodologiques et certains des traits essentiels qui caractérisent la géographie descriptive humaniste du XVe siècle. A leurs yeux, deux problèmes essentiels se posaient. Le premier concerne les difficultés à identifier les toponymes anciens avec les lieux modernes et inversement. Cette mutatio nominum, formulée explicitement par Pétrarque, devient un leitmotiv de la géographie humaniste du XVe siècle. Elle est en particulier reprise par Biondo Flavio (1392-1463) dans son Italia illustrata, où elle est infléchie. Il s’agit désormais moins de reconstituer l’espace antique pour lire correctement les textes anciens, que de proposer une description totale de l’Italie moderne à travers l’histoire des lieux, le travail de l’humaniste consistant à retrouver les liens qui unissent la modernité au passé romain : « accorder aux plus anciens lieux et peuples de nouveaux noms, aux nouveaux lieux le prestige, rappeler à la mémoire les lieux disparus et ramener de l’obscurité à la lumière l’histoire de l’Italie ». L’identification des noms anciens et modernes nécessite de travailler à l’échelle topographique en utilisant tous les instruments liés à l’espace : les textes de toute nature qui le décrivent mais aussi les cartes d’époque et de type divers (cartes ptoléméennes, cartes marines, cartes régionales) qui le représentent. A partir de la confrontation de ses instruments de travail émerge une série de problèmes d’ordre topographique que les humanistes résolvent plus ou moins heureusement. De ces questions en découlent une autre, posée par Boccace dans la postface de son De montibus  : quels noms utiliser dans les traités de nature géographique ? Certains humanistes et historiens continuent de se servir des noms antiques. Des humanistes comme Biondo Flavio ou Laurent Valla choisissent au contraire d’user des noms modernes, seuls aptes, d’après eux, à garantir au lecteur de reconnaitre les noms cités.

Le deuxième problème qui s’offre à eux est une question simple seulement en apparence : comment et sur quelle base diviser l’espace ? La géographie antique et médiévale, essentiellement descriptive, vise à rendre l’espace intelligible en le divisant en parties (les trois parties du monde) puis en provinces contiguës où sont énumérés les principaux éléments qui les constituent (fleuves, villes, peuples...). Les auteurs antiques, en particulier latins, n’utilisaient pas toujours la même division, notamment parce qu’ils se fondaient sur l’administration romaine, sujette aux transformations. Le lecteur soucieux de chercher une division « absolue » de l’œcoumène se heurtait par conséquent à des difficultés sans nombre. A partir du XIVe siècle, et même dès le XIIIe siècle, les savants qui entendaient décrire l’espace se heurtaient à des apories, encore accrues par la nécessité grandissante de prendre en compte l’espace moderne. Coluccio Salutati (1331-1406), chancelier de Florence, est un des premiers à exprimer l’historicité des limites qui fluctuent en fonction des souverainetés. Le thème est ensuite repris et approfondi par Enea Silvio Piccolomini (le pape Pie II). Dans ses traités géographiques, le De Europa et le De Asia, la question de la délimitation des provinces soulève des discussions sur l’instabilité des souverainetés politiques qui brouillent l’intelligibilité de l’espace. S’il énonce, dans son De Asia, sa préférence pour l’adoption des limites naturelles, plus durables, à l’imitation de Strabon, il ne peut éviter les difficultés, issues entre autres des contradictions des auteurs, qu’il discute. Dans sa nature et dans ses principes, la géographie humaniste est essentiellement problématique. Pour les humanistes, les traces du passé, appréhendées par les sources antiques, sont érigées en support d’une investigation critique de l’espace.

L’élargissement des horizons européens et l’humanisme géographique : les grandes découvertes.

Le processus d’élargissement des horizons européens a commencé dès le XIIIe siècle avec l’ouverture des espaces asiatiques, comme il a été rappelé ci-dessus. Un deuxième moment commence au début du XVe siècle, quant à la suite de la prise de Ceuta (1415), victoire militaire qui n’a pas pu déboucher sur la conquête du Maroc, le royaume du Portugal organise sous l’égide du prince Henri le Navigateur, des expéditions le long de la côte atlantique de l’Afrique. Dans un premier temps, les Portugais agissent en conformité avec l’esprit de croisade et d’évangélisation tout en cherchant la constitution d’un espace commercial propre. Ce n’est sans doute que plus tardivement, après le milieu du XVe siècle que l’idée de contourner l’Afrique pour atteindre l’Océan Indien et ses îles où naissent les épices se fait jour. Le projet de Christophe Colomb relève d’objectifs similaires, fondé cette fois sur la certitude que la distance entre l’Asie extrême-orientale et l’Europe occidentale est suffisamment étroite pour permettre aux navires d’atteindre l’Asie par la voie atlantique. Dans les deux cas, les modes de conception de l’orbis terrarum et les questionnements qui en découlaient ont joué un rôle important dans l’élaboration des projets. Et ces questionnements ont été essentiellement le fait d’humanistes, lecteurs de la Géographie de Ptolémée. Beaucoup d’humanistes étaient fascinés par les nouvelles des voyageurs, marchands et missionnaires en Asie ou en Ethiopie. C’est ainsi que le marchand originaire de Chioggia, Niccolo’de Conti fait sensation au concile de Ferrare-Florence (1437-1441). Après avoir voyagé et commercé en Asie, et avoir dû pour ce faire se convertir à l’islam, il désire revenir vivre en Italie. Il vient au concile demander au pape le pardon pour son apostasie. A cette occasion, il est interrogé, entre autre par le secrétaire pontifical, Poggio Bracciolini, qui insère le récit de son voyage en Inde dans le livre IV de son De varietate fortunae, comme exemple à la fois de l’inconstance de la Fortune et des extraordinaires nouveautés asiatiques auxquelles s’ouvre l’Occident. Poggio est persuadé que Niccolo’de Conti a parcouru des terres ignorées des Anciens. A ses yeux, les découvertes des modernes illustrent leur capacité à dépasser les Anciens. Tous les humanistes cependant ne partagent pas ses vues. Pour Ange Politien par exemple, le savoir des Anciens est insurpassable et la tâche des modernes est surtout de redécouvrir le savoir antique, bien supérieur à celui de ses contemporains.

En Italie, les humanistes étaient au service des grandes familles de l’aristocratie investies dans le commerce international et concernées au premier chef par l’élargissement des espaces commerciaux européens. Ils étaient par conséquent proches de l’information la plus récente, qu’ils interprétaient en fonction de l’héritage antique. Or l’image du monde ptoléméenne, devenue dominante dans les milieux humanistes, entrait en contradiction avec certaines découvertes des modernes. Un exemple est particulièrement significatif. Dans la Géographie de Ptolémée, ce sont les mers et les océans qui sont encerclés par les terres, dont les plus éloignées sont qualifiées d’inconnues (terra incognita). L’océan Indien est par conséquent représenté comme une mer fermée. Au contraire, sur la plupart des mappemondes médiévales, l’œcoumène est entourée par l’océan et l’Afrique est généralement considérée comme circumnavigable. Les expéditions portugaises le long de la côte atlantique de l’Afrique culminent en 1487-1488 lorsque Bartolomeu Dias passe pour la première fois le cap de Bonne-Espérance et pénètre de la sorte dans l’océan Indien. A première vue, ce premier acte des découvertes européennes, suivies une dizaine d’années plus tard par celle de l’Amérique, entraîne une remise en cause des représentations antiques et l’avènement d’une nouvelle ère où les acquis de l’expérience l’emportent sur la géographie de cabinet. Il n’en est en réalité rien, et cette vision simpliste, encore trop souvent diffusée, est fondée sur des a priori modernes qui rendent mal compte de la manière dont les humanistes ont compris et assimilé les nouveautés. Pour eux et la plupart des savants de leur époque, les découvertes des modernes se comprennent en relation avec l’assimilation et la critique des géographes de l’Antiquité, au premier rang desquels Ptolémée. Le cartographe d’origine allemande, Henricus Martellus, actif à Florence dans les dernières décennies du XVe siècle, est l’auteur de plusieurs mappemondes, l’une conservée aujourd’hui à Yale et les autres dessinées dans certains exemplaires de son Insularium Illustratum, un insulaire (livre d’îles rassemblant des descriptions et des cartes d’îles). Il est le premier à prendre acte de l’expédition de Bartolomeu Dias en dessinant une Afrique très allongée vers le sud et circumnavigable. Mais le cadre est celui de Ptolémée : sa carte est une adaptation et une modernisation de la mappemonde ptoléméenne aux découvertes des modernes. Quelques années plus tard, à Venise cette fois, le géographe et cartographe Sebastiano Compagni, auteur d’une description de l’ensemble du monde connu sur la base de Ptolémée, s’étonne de l’erreur de ce dernier quant à la forme de l’océan Indien. Comment Ptolémée, un géographe si éminent, le premier d’entre tous les géographes, a-t-il pu commettre une telle bévue ? Mais la consternation de Sebastiano Compagni vient moins de la remise en cause de Ptolémée par les navigations modernes que de la constatation que d’autres géographes antiques, en particulier Pline, concevaient l’océan Indien comme ouvert. La découverte portugaise vient aussi confirmer la représentation plinienne sur celle de Ptolémée, qui reste pour Sebastiano Compagni le plus grand des géographes.

D’une manière générale, les modalités par lesquelles les humanistes ont pensé les espaces, qu’ils soient proches et relativement bien connus ou au contraire lointains et, par-là incertains, sont complexes. L’Amérique est restée pour Christophe Colomb l’Asie extrême-orientale tandis que la position de Pierre Martyr d’Anghiera, humaniste milanais entré au service des souverains espagnols, auteur des Décades océanes qui firent connaître à l’Europe les nouveautés atlantiques, est nettement plus ambivalente et s’oriente au fil de la rédaction (qui a duré plusieurs décennies) vers la prise de conscience de l’existence d’un nouveau monde. Dans les cartes s’observent les mêmes questionnements. Si la célèbre carte de 1507, due à la collaboration du cartographe Waldseemüller et de l’humaniste Ringman, nomme la quatrième partie du monde Amérique, d’après le nom du navigateur florentin Americo Vespucci, d’autres cartes tout aussi intéressantes, par exemple celle due à la collaboration d’un patricien vénitien, Contarini, et du célèbre cartographe florentin Rosselli, interprètent les terres découvertes vers l’ouest comme étant l’Asie extrême-orientale. Dans l’histoire intellectuelle des découvertes géographiques, l’intérêt réside moins à chercher qui a compris le premier l’existence d’un continent inconnu qu’à comprendre comment et par quels procédés intellectuels, les humanistes ont interprétés ces événements stupéfiants. Pour cela, ils ont utilisé tous les outils à leur disposition : les textes antiques et les récits de voyages modernes, les cartes de Ptolémée et les cartes marines modernes qui enregistraient les découvertes. C’est cette association/confrontation entre l’antique et le moderne qui caractérise la géographie humaniste, sans que l’on passe d’un espace médiéval (non homogène et symbolique) à un espace moderne (mathématique et réaliste).

Il est impossible d’attribuer au long millénaire médiéval un concept de l’espace géographique homogène et uniforme, ni même de dresser une histoire linéaire qui verrait seulement un progrès dans la connaissance du monde, culminant avec la découverte de l’Amérique. Au contraire, la diversité des modalités de connaissances, de perceptions et de représentation de l’œcoumène invite à comprendre les descriptions géographiques et les cartes dans les cadres culturels et intellectuels qui les ont vu naître. Dans le domaine de la géographie, l’héritage antique a joué un rôle essentiel mais contrairement à ce que l’on pourrait croire à première vue, les descriptions antiques n’’ont pas été répétées stérilement mais transformées, adaptées et actualisées en permanence et à toutes les époques selon les projets intellectuels des savants et en vue de répondre à l’attente des sociétés dans lesquelles vivaient ces derniers. Clercs et savants, scolastiques et humanistes, ont tout au long des VIe –XVe siècles réfléchi à l’espace dans lequel ils se trouvaient, selon des modalités et des résultats divers. Les transformations dans les représentations de l’orbis terrarum sont surtout dues aux modifications culturelles qui affectent l’Occident latin dans son ensemble. Les premiers temps se caractérisent par une christianisation de l’héritage antique ; au XIIe siècle, le renouvellement de la culture se traduit par un intérêt plus marqué pour l’espace que l’on perçoit dans tous les domaines du savoir. A partir du XIIIe siècle, la prise en compte croissante des données modernes conjuguée aux premiers voyages en Asie lointaine a pour effet de promouvoir un rapport pratique à l’espace dans certains milieux culturels, sans pour autant entraîner un abandon des méthodes descriptives de la géographie antique, ni même de son contenu. Mais les contradictions entre l’image du monde antique et l’image du monde moderne entraînent des apories, dont les premiers humanistes ont une conscience aigüe. Un aspect essentiel de la géographie humaniste consiste précisément à associer données antiques et modernes pour penser le monde du XVe siècle.

Il convient aussi de noter qu’en termes de représentation de l’orbis terrarum, les échanges intellectuels entre les trois grandes sphères culturelles méditerranéennes (Byzance, monde arabe et occident latin), s’ils ne sont pas inexistants, restent faible en comparaison de ce qui se passe dans d’autres domaines du savoir. L’influence de l’héritage gréco-arabe n’est vraiment importante que sur les questions relatives à la conformation de la sphère terrestre et aux effets du ciel sur les phénomènes terrestres. Dans ce domaine, qui relève de l’astronomie, elle a été décisive et durable. En matière de géographie descriptive et même de cartographie, le désintérêt des savants latins pour les productions arabes est à la mesure de la distance idéologique qui sépare le monde latin du monde arabe, en dépit de fructueux échanges culturels (Gautier Dalché, Géographie arabe..., 2013). Les descriptions de l’espace apparaissent finalement moins neutres politiquement et idéologiquement que ne le laisse croire leur caractère essentiellement descriptif.

NATHALIE BOULOUX

 Bibliographie sélective

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Pour citer :
Nathalie Bouloux, « Orbis terrarum : représentation du monde habité dans l’Europe médiévale », in Houari Touati (éd.), Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, printemps 2014, URL = http://www.encyclopedie-humanisme.com/Orbis-terrarum