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Rhétorique dans la tradition européenne

 Introduction

Logocentrique et livresque, la culture européenne a privilégié le discours comme moyen de connaissance et outil de communication, et plus encore : comme condition à la fois du gnothi seauton socratique (« connais-toi toi-même ») et du débat démocratique dans la Cité. Le logos grec résume ces deux premières fonctions du langage, cognitive et relationnelle disent les sciences du langage et de la communication, logos intériorisé (endiathetos) et logos proféré (prophorikos) écrivait Philon d’Alexandrie, ratio et oratio, « l’entendement et la parole » résumait Amyot dans son Projet d’éloquence royale : pour Isocrate déjà (Panégyrique, 47-49), le logos est à la fois pensée et discours. Il y a, de fait, un double mouvement de l’usage de la parole (Kibédi Varga 1989) : vertical, qui vise à relier les mots aux choses (nomination) et horizontal, qui relie le locuteur à autrui (communication). L’acquisition et l’approfondissement de sa connaissance, qui ont une visée à la fois philosophique et politique, est dès lors conçue comme un rempart contre la barbarie et l’obscurantisme. La rhétorique en constitue le fondement dans la culture européenne.

Véritable plaque-tournante des échanges humains et des transferts de connaissances comme de marchandises, le Mare Nostrum constitue tôt un espace polyglotte où les contacts linguistiques, l’intercompréhension et la philologie placent la question des langues au centre des activités humaines. Or, dans cet espace dynamique intrinsèquement plurilingue et pluriculturel, la rhétorique a constitué un dénominateur commun et un carrefour des savoirs. A travers ses innombrables variations et (ré)interprétations, ou malgré elles, elle a été un socle commun marqué à la fois par la permanence et la plasticité, dans ses formes comme dans ses contenus, dans ses réalisations scripturales et orales. Au-delà des langues, des territoires, des confessions et des régimes, elle a joué un rôle de ferment intellectuel et culturel sans précédents.

Pénétrant même les genres qui semblent étrangers à la persuasion, comme la parole intimiste de l’autobiographie, de saint Augustin à Rousseau, la rhétorique a influencé les savoirs, les discours, les croyances et les arts. Le structuralisme des années 1970 lui emprunte encore sa taxinomie et les sciences humaines et sociales, sous d’autres termes, lui doivent bien des concepts : l’anthropologie et l’ethnologie lui empruntent la notion de lieu commun (topos), les schémas communicationnels la trilogie aristotélicienne ethos-pathos-logos (Rhétorique, I, 1355b : le caractère moral de l’orateur, les dispositions où il met l’auditeur et le discours lui-même), et le fonctionnalisme sociologique le principe de convenance et d’adaptation (gr. prepon ; lat. aptum). La rhétorique a manifesté une vitalité hors du commun dans la culture occidentale, informant la création littéraire mais aussi plus largement artistique et humaine durant deux millénaires. Elle relève en effet autant de la quête d’une vérité, donc de la philosophie et de la dialectique, que d’une enquête sur les normes de la société, donc de l’espace juridique, social et politique et enfin d’une fascination pour la beauté, et donc de l’esthétique et de la littérature.

 Pratique, réflexion et autocritique

La rhétorique désigne à la fois l’éloquence, autrement dit une pratique de la persuasion, une parole en acte (ergon), et la réflexion conceptuelle sur celle-ci (theoria) : elle est discours et métadiscours, dans la chair comme par ses textes. Démosthène et Périclès sont du côté de celui-là, Quintilien et Aristote de celui-ci, Cicéron entre les deux, à la fois avocat et théoricien. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère mettent de même en scène une pratique du discours mais aussi une réflexion sur celui-ci, témoignant ainsi d’une conscience critique à l’égard de toute parole (Pernot, 2000), qu’il s’agisse du « doux langage » du sage Nestor (Il., I, 248) et des « mots aîlés » que sont les « ruses » et les mensonges d’Ulysse « aux mille tours » (Od., XIII, 253-255).

À cette pratique et à cette théorie s’ajoute tôt une critique des risques de la rhétorique comme sophistique trompeuse. Sparte se méfie des logorhées athéniennes et le Spartiate Sthénélaïdas avoue que « les grands discours des Athéniens m’échapppent » (Thucydide, I, 86, 1). Platon critique autant cette éloquence judiciaire qui a fait condamner Socrate le juste, qui n’enseignait que par la parole (Apologie de Socrate), que l’éloquence politique (Gorgias) et épidictique (Ménexène) : à l’ami de la sagesse (le philosophe) s’oppose désormais celui qui pose en « expert de la sophia » (le sophiste), charlatan mercenaire et immoral raillé dans le Gorgias (dont le sous-titre est De la rhétorique), où Calliclès incarne ce langage devenu instrument de pouvoir et où Socrate dénonce la rhétorique comme un art de persuader une opinion plutôt que d’enseigner une vérité (Gorgias, 453), une technique du plaisir et de la flatterie (461-463), indépendante de la vérité et de la vertu.

Isocrate et Aristote, mais aussi Cicéron et Quintilien, prendront une voie différente, en réconciliant la philosophie et la rhétorique, en conciliant ce que Platon séparait radicalement : l’absolu métaphysique et le caractère imparfait de l’existence, la raison pure et l’émotion, la philosophie et la politique. L’humanisme rhétorique de la Renaissance leur emboîtera le pas, postulant que la maîtrise de la parole (de sa matérialité phonique aux lieux communs en passant par le lexique, la syntaxe, les figures, etc.) permet d’orienter et de comprendre la pensée elle-même et donc de se substituer à la violence. L’humanisme civil (Baron 1988), soucieux de l’harmonie du corps social au sein de la Cité, concilie dès lors les exigences d’action politique et de maîtrise de la parole. « Rethorique donc est science politique [...] art pour [per]suader ou dissuader » estime Pierre Fabri dans Le grand et vrai at de pleine rhetorique (1521). Alors que les première ambassades permanentes apparaissent, marquant la naissance de la diplomatie moderne, le philologue vénitien et fils de diplomate Ermolao Barbaro, lui-même ambassadeur à Milan puis à Rome, fonde dans son De officio legati les devoirs de l’ambassadeur (orator) autant sur le dévouement à l’État et la probité morale que sur les facultés rhétoriques, renouant ainsi avec l’idéal catonien du vir bonus dicendi peritus repris par Quintilien (Instit. Orat., I, pr. 9), qui fait de l’orateur un citoyen vertueux dévoué à une action civile et politique : un être probe maître de sa parole, « comme dict Quintilian apres Cicero : Orateur est un homme de bien, qui a acquis la science de bien dire » résume Guillaume Budé dans Le livre de l’Institution du prince. Définissant les devoirs de l’ambassadeur dans un traité du même titre publié en 1541, Etienne Dolet souhaite également, dans une définition toute cicéronienne (Or., 128), que l’orator maîtrise tous les styles, qu’il sache les utiliser judicieusement pour « fléchir, conduire, entraîner, ébranler les esprits de ceux avec qui il négocie une affaire dans la direction souhaitée, selon que les circonstances l’exigeront » (I, 6).

Entre sagesse et Cité, philosophie et diplomatie, retraite de l’otium et implication dans les negotia, la rhétorique investissait déjà les pensées et les activités humaines.

 Le mot, la chose

Utilisé comme substantif, le mot rhêtorikê apparaît pour la première fois au début du IVe av. J.-C., autour de 390-385, chez Alcidamas (Sur les sophistes, 2) et dans le Gorgias (448d-449a) de Platon, même si la chose est antérieure. Les sources varient pour évoquer l’inventeur de la rhétorique : Empédocle d’Agrigente, maître de Gorgias (selon Aristote) ; les Siciliens Corax et Tisias, premiers théoriciens (selon Cicéron), à la chute des tyrans siciliens et à l’instauration de la démocratie au milieu du Ve siècle, alors que les problèmes de propriété foncière firent naître les débats rhétoriques.

Quelles que soient les traces toujours très pudiques et éparses laissées par l’Histoire, quelle que soit la terminologie utilisée – vis persuadendi, bene dicendi scientia définie par Quintilien (Inst. Orat., II, 14, 5), ou plus largement l’ars bene persuadendi – , la chose est antérieure au mot : au VIIIe siècle av. J.-C., les œuvres d’Homère mettent déjà en scène une pratique de la rhétorique et les documents attestent l’importance de la rhétorique en Grèce dès le Ve siècle avant notre ère. Contemporaine de Platon et d’Aristote, mais aussi de la sophistique de Gorgias, elle naît dès lors que les explications mythiques et religieuses sur le monde sont écartées au profit d’une connaissance empirique soumise à discussion, au risque de la persuasion.

Ces définitions finalistes (art de la persuasion) ou esthétiques (art de bien dire) peuvent être élargies à des définition plus larges comme « négociation de la distance entre des individus à propos d’une question donnée » (Meyer 2008, p. 21), comme « art des médiations dans la vie pratique » (Fumaroli 1999), voire même comme expression de pulsions plus profondes : « Finalement, ce que nous nommons ‘rhétorique’ peut être rapporté à l’instint naturel de survie et de contrôler de notre environnement et influencer l’action des autres dans ce qui semble le meilleur intérêt pour nous-mêmes, nos familles, nos groupes sociaux et politiques ainsi que nos descendants » (Kennedy 1994, p. 3).

 Vraisemblance et argumentation

On doit à Aristote la première formalisation cohérente de la rhétorique, liée tant à la poésie dramatique (Poétique) qu’à la dialectique (Topiques), tant au possible et au fictif qu’à l’argumentation.

Le Stagirite pose les fondements de la rhétorique en la fondant, comme la fiction, sur le possible plutôt que sur la vérité absolue. Si le vrai relève des sciences de la nature, le vraisemblable (eikos), le discutable constituent le champ d’application de la rhétorique : celui qui résiste à la preuve irrévocable, celui qui passe donc par la persuasion, née d’éléments propres au discours (logos), mais aussi de composantes plus subjectives comme la crédibilité du locuteur et la confiance qu’il inspire (ethos) ou encore les affects de l’auditeur qu’il sollicite et influence (pathos), autrement dit le caractère moral, éthique, du locuteur et la disposition des auditeurs (Aristote, Rhét., I, II, 4-5). La rhétorique est fille du débat, de l’incertitude, de la contradiction et donc de la quête et de l’enquête. Contre Platon, Isocrate (Nicoclès, III, 5-9) revendique ainsi la suprématie de la parole sur la connaissance absolue, de la rhétorique sur la dialectique.

Aristote établit également le logos rhétorique sur ces deux soubassements argumentatifs que sont l’enthymème et l’exemple, qui procèdent respectivement d’un raisonnement déductif et inductif. Comme le syllogisme, l’enthymème (Aristote, Rhét., II, 22-24, 1395b-1402a ; Cicéron, De inv., I, 57-76) comporte trois parties (les prémisses - majeure et mineure - qui servent, l’accord étant fait, à faire admettre la proposition) mais, contrairement au syllogisme, ses prémisses sont vraisemblables plutôt que vraies et il efface l’une des trois parties. « Tous les hommes sont mortels » ou « L’erreur est humaine » (errare humanum est) constituent ainsi des énoncés gnomiques (Rhét., II, 21, 2, 1394a), mais aussi des majeures qui peuvent servir d’arguments face à un être trop confiant dans ses capacités ou trop exigeant à l’égard de lui-même. L’exemple (Aristote, Rhét., II, 20, 1393a-1394a ; Cicéron, De inv., I, 50-56), qu’il soit historique, mythique ou anecdotique, procède quant à lui du mouvement inverse, inductif et, loin de n’être que décoratif, il soutient l’argumentation.

 Le système rhétorique

En dépit de ses mutations, la permanence et la cohérence d’un système rhétorique relativement stable durant deux millénaires permettent d’en esquisser les contours essentiels. La rhétorique conjugue en effet un principe d’adéquation à l’instant, au kairos, à des principes fondamentaux, une orationis ratio, diversément interprétée mais rassemblée autour d’invariants : autrement dit une variabilité et des fondements.

En Occident, le système rhétorique aboutit à une répartition en trois genres de discours (gr. rhêtorikês genê  ; lat. causarum genera  ; Aristote, Rhétorique, I, 1358a36-1359a5 et 1368a26-33 ; Cicéron, De inv., I, 7 ; Rhét. à Herennius, I, 2) : le genre judiciaire (gr. dikanikon  ; lat. iudiciale), déployé devant les tribunaux ou les assemblées érigées en tribunaux, et qui accuse ou défend (il porte sur le vrai et le faux et donc sur le passé) ; le genre délibératif (gr. sumbouleutikon  ; lat. deliberativum), devant une assemblée qui délibère, et qui exhorte ou dissuade (il concerne l’opportun et l’inopportun, l’utile et l’inutile, et envisage le futur) ; le genre démonstratif (ou épidictique ; gr. epideiktikon  ; lat. demonstrativum), devant un groupe quelconque, qui loue ou blâme (il porte sur l’honorable et le laid, le bien et le mal, et il concerne toute la temporalité). Que l’on juge les faits passés, que l’on réfléchisse aux raisons d’actions futures, ou que l’on cherche à qualifier les faits de manière générale, les outils et la démarche rhétoriques ne seront pas les mêmes, dans l’argumentation, dans son organisation et dans son expression.

Les trois visées rhétoriques (Cicéron, Or, XXI, 69) précisent les objectifs de l’orateur : instruire (lat. docere, probare), ce qui relève du logos et de l’argumentation ; plaire (lat. delectare, placere, conciliare), c’est-à-dire s’insinuer dans les bonnes grâces de l’auditoire, ce qui procède de l’ethos, du caractère et des mœurs du locuteur ; ébranler (lat. movere, flectere), autrement dit susciter une émotion puissante qui renverse tout, qui tire les âmes et les met en mouvement, ce qui relève du pathos. La première visée relève de constituants objectifs, les deux autres d’éléments subjectifs.

S’y rattache une hiérarchies des styles (Rhét. à Herennius, IV, 11 ; Cicéron, Or., XXIII, 75-XXIX, 101), qui connaît des variantes mais qui, remontant à Antisthène ou à Théophraste, se présente dès le Ier s. av. J.-C. comme tripartite : le style simple (gr. iskhnos, litos  ; lat. subtilis, gracilis, attenuatus, tenuis), qui privilégie la preuve et l’argumentation partant de l’idée que la force de la vérité suffit (ses modèles sont notamment Lysias, Sénèque et Tacite) ; le style moyen (gr. mesos  ; lat. modicus, mediocris), plus riche mais encore modéré et paisible, qui ajoute la notion de plaisir et de charme ; le style élevé (gr. hadros, hupsêlos  ; lat. gravis, grandis), qui subsume tous les autres, style de l’abondance (copia) et de la puissance du pathos comparée à un fleuve en crue, un feu, un torrent ou un coup de tonnerre (ses modèles sont Ovide, Cicéron, Démosthène). Au Moyen Age, la fameuse Roue de Virgile, poète excellent dans chacun de ces trois styles (respectivement les Bucoliques, les Géorgiques et l’Enéide), résume cette tripartition hiérarchisée, qui doit permettre un accord, une convenance (gr. prepon  ; lat. aptum) entre le contenu et le style, entre le fond et la forme. « L’homme éloquent est celui qui est capable de dire les choses terre à terre avec précision, les choses élevées avec force, les choses moyennes d’un ton intermédiaire » (Cicéron, Or., XXIX, 100). L’opposition est parfois réduite à celle entre la simplicité et la clarté de l’atticisme et, d’autre part, le style de l’asianisme (censé avoir été importé d’Asie en Grèce), ampoulé et soucieux de surprendre (Cicéron, Brutus, 325), véritable paradigme du maniérisme européen. Au-delà de ces trois styles, certains théoriciens ajoutent un quatrième, le sublime, dans le sillage du Traité du sublime du pseudo-Longin, édité et commenté par Paul Manuce (1555) avant d’être traduit par Boileau (1674), qui en fera le point de référence du classicisme français du XVIIe siècle en le distinguant du style élevé, « qui veut toujours de grands mots ; mais le Sublime se peut trouver dans une seule pensée, dans une seule figure, dans un seul tour de paroles » : le sublime devient autant « l’écho d’une grande âme » que la marque d’une inspiration supérieure, d’un enthousiasme (en-theos).

Enfin, le système rhétorique est fondé sur une division de la technique (Cicéron, Or., XIV, 44-61 ; Rhét. à Herennius, I, 3 ; Quintilien, Instit. orat., III, 3, 11) fondée sur les trois tâches de l’orateur (officia oratoris) qui s’imposent à lui : ce qu’il a à dire, à quelle place et comment, « quoi dire, dans quel ordre, de quelle façon » (Cicéron, Or., XIV, 43 : quid dicat, quo quidque loco et quo modo). Les parties de la rhétorique (gr. rhêtorikês merê  ; lat. rhetorices partes), qui vont des choses aux mots, peuvent se caractériser ainsi : l’invention (gr. heuresis  ; lat. inventio) consiste à trouver les idées et les arguments ; la disposition (gr. taxis, oikonomia  ; lat. dispositio) à les organiser de manière pertinente et percutante, en partant des idées partagées (les lieux communs, qui sont tout sauf « triviaux », et les idées endoxales) aux questions plus discutées ; le style (gr. lexis, hermêneia, phrasis  ; lat. elocutio) à les exprimer par des mots, des phrases et des figures adaptées. S’y ajoutent, pour un discours oral, la mémoire (gr. mnêmê  ; lat. memoria), qui inclut les procédés mnémotechniques visant à se souvenir du discours (Yates 1966), et enfin l’action (gr. hupokrisis  ; lat. actio), à savoir la performance effective, qui nécessite une maîtrise de l’attitude, de la voix, du regard, etc. dans le temps et dans l’espace. Les deux dernières parties, la memoria et l’actio, n’ont eu qu’une influence limitée puisqu’elles sont liées à la performance orale et, depuis la Dialectique (1555) de Ramus, les deux premières parties (inventio et dispositio), qui concernent la matière, ont été captées par la logique et la dialectique. L’histoire de la rhétorique a donc procédé à une réduction à la seule elocutio, depuis La Rhétorique française (1555) d’Antoine Fouquelin jusqu’au structuralisme des années 1970 en passant par Des tropes (1730) de Dumarsais et par Les Figures du discours (1821) de Fontanier.

À travers les déclamations fictives et les exercices de rhétorique (progumnasmata) que constituent le récit (diêgêma), la paraphrase (paraphrasis), la prosopopée (prosôpopoiia, êthopoiia), la thèse (thesis), la description (ekphrasis), l’éloge (enkômion), le lieu commun (koinos topos), la chrie (khreia), la fable (muthos), etc., ce système rhétorique influence la pédagogie en Europe jusqu’à sa disparition des systèmes scolaires à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Pourtant, ses procédés sont sensibles bien au-delà, comme par exemple dans les Exercices de style de Raymond Queneau qui conservent les traces de cette pratique devenue chez lui ludique.

 Histoire et représentations de la rhétorique

La mort annoncée de la rhétorique par les romantiques puis par les surréalistes n’efface pas l’omniprésence et les résurgences d’une culture rhétorique, sous d’autres appellations. La prégnance actuelle de procédés rhétoriques dans les discours politiques, publicitaires, journalistiques, juridiques, polémiques et idéologiques en atteste. Cette permanence s’explique par une vitalité durant près de deux millénaires.

Née dans la Grèce du Ve siècle av. J.-C., illustrée dès Démosthène, théorisée par Aristote et les sophistes mais déjà soupçonnée par Platon, la rhétorique s’est acclimatée au monde latin avant d’être baptisée par un christianisme devenu religion officielle au IVe siècle après J.-C. Au Moyen Age, elle appartient, avec la grammaire et la dialectique, au Trivium préparatoire au Quadrivium (géométrie, arithmétique, astronomie et musique), décrit par Martianus Capella dans ses Noces de Mercure et de Philologie (Ve siècle). « La grammaire parle, la dialectique enseigne le vrai, la rhétorique maîtrise les paroles ; la musique chante, l’arithmétique dénombre, la géométrie mesure, l’astronomie s’attache aux astres » (Curtius 1956, p. 85 : « Gram. loquitur ; Dia. vera docet ; Rhe. verba ministrat ; Mus. canit ; Ar. numerat ; Geo. ponderat ; As. colit astra »). Dès le XIe siècle, l’apparition des artes dictamini, manuels pratiques de modèles épistolaires pour l’administration, accélère la pénétration dans la société de modèles rhétoriques liés autant à l’oralité (dictare signifie dicter) qu’à la poésie (cf. l’allemand Dichter, qui signifie poète  ; Curtius 1956, p. 143-144). Disparue de l’horizon culturel européen lors des invasions germaniques, la Rhétorique d’Aristote réapparaît vers 1250 en Occident avant de connaître une première édition latine abrégée en 1481 et une editio princeps en grec en 1508. À travers le genre épistolaire, plus familier et largement diffusé, la rhétorique influence les pratiques et les discours jusqu’à la Renaissance, où la lettre familière concilie sociabilité, utilitarisme et érudition au sein d’une « République des Lettres » humaniste, à la fois philologue, polyglotte et européenne (Ars epistolica 2014).

Entre Pétrarque et Shakespeare, la Renaissance européenne en redécouvre et en réinterprète pendant trois siècles les textes antiques et, grâce à la chasse aux manuscrits en Orient et à l’imprimerie, en accélère et en vulgarise la diffusion et la discussion. En chaire, à la tribune, sur le trône, à l’autel, sur le pupitre comme sur le champ de bataille ou à la cour, l’art (au sens de technê, le lat. ars étant l’équivalent de ce mot grec, qui a donné technique) d’une parole efficiente et agissante ne peut être négligée par l’homo faber, façonneur de lui-même (c’est là sa dignité première estime Pic de La Mirandole dans son De hominis dignitate en 1486) comme du monde qui l’entoure, investi d’une fonction qu’il se doit d’assumer. À partir de la Renaissance, l’affirmation des langues vernaculaires et de leur primauté (de Dante, De vulgari eloquentia, 1303-1304 à Du Bellay, Défense et illustration de la langue française, 1549) pose tôt la question des traductions et plus généralement du plurilinguisme. Elle accélère l’assimilation de la rhétorique classique au sein même des littératures nationales, laissant subsister une diglossie qui mêle, de manière hiérarchisée, les vernaculaires et le latin, langue internationale et culturelle jusqu’à ce que le français le supplante du XVIIe siècle au début du XXe siècle, avant de céder la place à l’anglais. Dans sa Prolusione petrarchescha, Cristoforo Landino affirme ainsi que nul ne pourra se dire éloquent en Toscan sans avoir « une vrai et parfaite connaissance des lettres latines ». À côté des arts poétiques latins, du De arte poetica (1527) de Vida aux Poetices libri septem (1561) de Jules-César Scaliger, les rhétoriques en vernaculaire apparaissent, avec, en France, Le Grant et vray art de plaine rhetorique (1532) de Fabri, la Rhetorique françoise (1555) d’Antoine Foclin, le Premier livre de la rhetorique (1557) de Pierre de Courcelles, l’Avant-discours de rhétorique ou traité d’Eloquence du cardinal Du Perron et le De l’éloquence française (1590) de Guillaume Du Vair, ainsi que deux ouvrages dédiés à Henri III et publiés qu’au XIXe siècle : le Projet d’éloquence royale de Jacques Amyot (publ. 1805 par Ph.-D. Pierres) et la Rhetorique françoyse (publ. 1887 par G. Camus) du juriste et poète Germain Forget.

À la fin du XVIe siècle, Montaigne offre, à travers le modèle de Socrate, les clés d’un idéal de modération (cette « moyenne mesure » du chapitre III, 13, qui traduit le meden agan grec ainsi que l’aurea mediocritas d’Horace et annonce L’Honnête homme, ou l’art de plaire à la cour de Nicolas Faret, 1630) et de naturel dans l’existence comme dans le style, idéal empreint d’apparente désinvolture (neglegentia diligens) que le classicisme fera sien : « Les moins tendues et plus naturelles allures de notre âme sont les plus belles ; les meilleurs occupations les moins efforcées » (Les Essais, III, 3). Après la « rhétorique des citations » des hommes de loi et après la « rhétorique des images » de la Contre-Réforme et des Jésuites, qui ont su acclimater la rhétorique antique (Fumaroli, 1980), le classicisme assimile pleinement l’héritage ancien en privilégiant le naturel et la clarté de l’expression. « Il y a deux sortes d’éloquence : l’une pure, libre, naturelle ; l’autre figurée, contrainte et apprise ; l’une du monde, l’autre d’école » (Du caractère et de l’instruction de la comédie, 1659), résume Guez de Balzac, modèle d’un bon goût qui concilie désormais atticisme, urbanitas et équilibre. Au même moment, les progrès de la science et d’un doute méthodique hérité du Que sais-je de Montaigne favorisent une émancipation à l’égard des autorités antiques : critiquant ceux qui se livrent à Aristote « en esclaves » et « souscrivent aveuglément à tout ce qu’il dit » (Dialogue sur les deux grands systèmes du monde), Galilée remplace la rhétorique et la topique aristotélicienne par la langue de la nature, révélée dans son grand livre qu’est le monde et que René Descartes et Francis Bacon prennent désormais pour référence. Mais pour dire cette foi dans une nouvelle science qui affiche un refus de la rhétorique et recherche un « degré zéro » de l’ornementation (« dans les sciences physiques, l’art oratoire est inefficace » estime Galilée), c’est bien d’une très ancienne métaphore rhétorique qu’ils usent (Curtius 1956). Et Descartes, disciple des Jésuites de La Flèche de 1604 à 1612, se montre, comme Galilée, très soucieux d’une adéquation entre la pensée et l’expression. Le refus de la rhétorique est ainsi déjà une forme rhétorique.

Qu’elle pénètre au XVIIe siècle l’art de la conversation mondaine et d’une sociabilité perçue comme marque d’humanité, qu’elle fournissent au Pascal des Provinciales ses armes polémiques et argumentatives pour défendre les jansénistes ou l’existence de Dieu, qu’elle gagne les Académies princières ou les sociétés oratoires (Sprachgesellschaften), qu’elle investisse la pratique épistolaire ou qu’elle alimente en souterrain L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, ses métamorphoses masquent difficilement sa permanence, jusqu’à l’éloquence des Révolutionnaires.

À partir du romantisme, le mot « rhétorique » entre toutefois en décadence : assimilée à l’insincérité et au formalisme, réduite au style et à des clichés formels et convenus, autrement dit à tout ce que les romantiques rejettent ou veulent faire croire qu’ils rejettent, la rhétorique bascule dans une acception dépréciative, qui évoque la duperie, le mensonge et l’artifice. Hostiles à l’esprit de système comme au rationalisme classique, les romantiques privilégient la liberté et l’originalité aux dépens de la technique : dès le début de son Faust (I, 1), Goethe précise ainsi que « la raison et le bon sens savent se faire entendre sans beaucoup d’art » (Curtius, 1956, p. 122 « Es trägt Verstand und rechter Sinn / Mit wenig Kunst sich selber vor ») et Victor Hugo estime que « la pensée est une terre vierge et féconde dont les productions veulent croître librement, et, pour ainsi dire, au hasard, sans se classer, sans s’aligner en plates-bandes, comme les bouquets dans un jardin classique de Le Nôtre, ou comme les fleurs du langage dans un traité de rhétorique » (préface des Odes et ballades, 1826). D’où le mélange des styles, du grotesque et du sublime, de Caliban et d’Ariel, pour mieux coller à l’irréductible variété du monde. Au nom du lyrisme et de la vérité de l’émotion, déjà pressentie par Rousseau et Madame de Staël, Hugo raille une élégance classique qui ne serait que convention stérile : « Rien de trouvé, rien d’imaginé, rien d’inventé dans ce style. Ce qu’on a vu partout : rhétorique, ampoule, lieux communs, fleurs de collège, poésie de vers latins. Des idées d’emprunt vêtues d’images de pacotille » (préface de Cromwell, 1827). Lorsqu’il reçoit en 1885 Ferdinand de Lesseps à l’Académie française, Renan résume un siècle d’anathèmes jetés sur la rhétorique : « Vous avez horreur de la rhétorique, et vous avez bien raison. C’est, avec la poétique, la seule erreur des Grecs. » En 1859, Baudelaire avait pourtant déjà averti que le génie naît de la contrainte, la liberté de la maîtrise technique, et une seconde nature d’une culture intelligemment assimilée : « Jamais les prosodies et les rhétoriques n’ont empêché l’originalité de se produire distinctement. Le contraire, à savoir qu’elles ont aidé à l’éclosion de l’originalité, serait infiniment plus vrai » (Salon de 1859, IV, Le gouvernement de l’imagination). Rien n’y fait : la rhétorique semble appartenir à un passé révolu.

Les critiques à l’égard de la rhétorique, soupçonnée de s’amuser aux mots pour mieux occulter les choses, ne dataient pas d’hier. Dans son Projet d’éloquence royale, Jacques Amyot, grand traducteur de Plutarque et créateur de la prose française, critiquait déjà ce versant obscur de la rhétorique qu’est la sophistique, « pleine de babil et d’afféterie ainsi qu’une courtisane ». Au chapitre « De la vanité des paroles » de ses Essais (1580), Montaigne, qui lui doit pourtant tellement, lui emboîtait le pas, renouant avec une intériorisation de la parole héritée de Sénèque (Epist. ad Lucil., IV, 40) : « Aristote définit sagement la rhétorique : science à persuader le peuple ; Socrate, Platon, art de tromper et de flatter […] C’est un outil inventé pour manier et agiter une tourbe et une commune déreiglée, et est outil qui ne s’emploie qu’aux Etats malades, comme la médecine » (Les Essais, I, 51). Le « Je hais les pièces d’éloquence » (Fables, IX, 5) de La Fontaine et la prédilection de Pascal pour cette « véritable éloquence [qui] se moque de l’éloquence » rediront une méfiance tenace, même si elle est parfois de mauvaise foi.

Proscrite dès le début du XIXe siècle, graduellement abandonnée dans les programmes scolaires et académiques, la rhétorique commence pourtant à revenir, et ceci dès Nietzsche, professeur de philologie à Bâle : « Qu’est-ce donc la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref une somme de relations humaines qui ont été rehaussées, transposées, et ornées par la poésie et par la rhétorique, et qui après un long usage paraissent établies, canoniques et contraignantes aux yeux du peuple » (« Mensonge et vérité au sens extra-moral », 1873). Dans Les Fleurs de Tarbes ou la Terreur dans les Lettres (1936), Jean Paulhan dénonce la doctrine romantique de l’originalité forcenée (la Terreur), qui interdit tout procédé déjà utilisé et exige que toute écriture soit originale. Dans les années 1970, le « tournant linguistique » préside à une véritable renaissance de la rhétorique, mais d’une rhétorique restreinte (Bartes et Genette, 1970) par le structuralisme moderne à la seule elocutio, voir même à deux seules figures : la métaphore et la métonymie.

Après la graduelle occultation des grandes armatures rhétoriques qui ont soutenu, deux millénaires durant, toute écriture, la réhabilitation d’une rhétorique plus globale et de son histoire devient une évidence avec les travaux fondateurs de philologues romanistes comme Ernst Robert Curtius et Heinrich Lausberg, qui ont su traverser les clivages linguistiques entre les littératures, et les études novatrices des Italiens Ernesto Grassi, Eugenio Garin et Cesare Vasoli, des Français Marc Fumaroli, Alain Michel, Chaïm Perelman, et d’Anglo-saxons et américains comme G.A. Kennedy, I.A. Richards et Kenneth Burke ainsi qu’avec la fondation de l’International Society for the History of Rhetoric (1977) et de sa revue, Rhetorica. Il semble désormais légitime de parler d’un tournant rhétorique (rhetoric turn), crucial tant pour saisir le passé que pour décrypter les discours contemporains, qui procèdent souvent d’invariants de la pensée et de la culture européennes captés par la rhétorique (Pernot 2002). « Sapere aude », ose savoir, recommande Horace (Epist., I, 2, 40), suivi autant par l’humanisme de la Renaissance que par Kant, qui en fait la devise des Lumières : l’étude des arguments, des procédés et des limites de la parole peut servir cet idéal, qu’il s’agisse de mieux comprendre les œuvres du passé ou de scruter la complexité du présent.

 Hybridations et réinterprétations : christianisme, droit, poésie, arts

La souplesse du système rhétorique a facilité les interpénétrations avec d’autres croyances, d’autres pratiques et d’autres techniques, en particulier avec le christianisme, le droit, la poésie et plus généralement les arts. Chrétiens, juristes, poètes mais artistes ne purent se permettre de négliger les instruments discursifs aptes à persuader, mais aussi à dire plus précisément et plus esthétiquement le monde.

Religion du Verbe incarné et du livre révélé, le christianisme, qui relève d’une tradition juive, s’est répandu grâce à une perméabilité à la rhétorique gréco-latine, tôt justifiée par le fait que les Juifs s’emparèrent des ustensiles d’or et d’argent des Égyptiens : d’Origène et saint Augustin à Bède et Thomas d’Aquin, les dépouilles des Égyptiens (Ex. 12, 35-36) figurent ainsi le statut de la culture profane au sein du christianisme, même si le reproche onirique fait à saint Jérôme subsistera longtemps (« tu es cicéronien, pas chrétien » « Ciceronianus es, non Christianus »). Le chrétien ne peut en effet négliger la culture de celui qu’il doit convaincre. « Qui oserait donc dire que la vérité doit faire face au mensonge avec des défenseurs désarmés ? » avertit saint Augustin (De Doctrina christiana, IV, II, 3), qui précise que l’orateur chrétien doit préférer « plaire par le fond que par la forme et estimer que rien n’est mieux dit que ce qui est dit avec plus de vérité » (De Doctrina christiana, IV, XXVIII, 61). En grec (Eusèbe de Césarée, Grégoire de Nazianze, Jean Chrsysostome, Basile de Césarée, etc.) comme en latin (Lactance, Ambroise, saint Augustin), les premiers Pères de l’Église fondent donc une éloquence chrétienne qui adapte les instruments de la rhétorique grécolatine et dont le livre IV du De doctrina christiana de saint Augustin constitue la première théorie, arrimée sur la certitude que « l’Esprit Saint aimait un parler simple, mais pur et sans faute » comme le note Érasme, éditeur du De doctrina christiana. La culture païenne est en outre conçue comme une propédeutique à la Révélation, créant ainsi les conditions d’une « conversion de la culture antique » (Fredouille, 1972) : Hercule s’immolant sur le bûcher et Ulysse attaché au mât figurent ainsi le Christ crucifié et, dès le IVe siècle, on estime que Virgile a chanté les dons offerts par « la bonté du Christ » (centon de Proba). Au chapitre II de son « Poignard du soldat chrétien » (Enchiridion militis christiani 1503), Érasme, qui est marqué par la culture rhétorique (Chomarat 1981), définit le cadre d’une exploitation modérée de la culture païenne, « pourvu qu’on en tâte modérément, provisoirement, qu’on n’y touche qu’en passant [...]. Ces lettres [profanes] façonnent et fortifient l’esprit de l’enfant, et le préparent admirablement à l’intelligence des divines Écritures, sur lesquelles c’est presque une espèce de sacrilège que de se précipiter tout d’un coup, sans avoir pieds et mains lavés ». Tout en assimilant l’héritage rhétorique païen, le christianisme s’interroge autant sur le Verbe divin et sur le langage de la nature (« Dieu a parlé par la création du monde […] : tout y dit la puissance, la sagesse et la bonté du Créateur » écrit Érasme, Commentaire du psaume 33) que sur le style que doit déployer l’orateur chrétien. Cette adoption et cette adaptation de la rhétorique classique au sein du christianisme ne furent pas étrangères à son succès, auquel les compagnies dévotes, des Dominicains élèves de saint Thomas d’Aquin aux Jésuites de la Contre-Réforme, surent œuvrer à travers une parole éloquente, qui imprègne autant l’homilétique et la prédication que la prière et l’oraison funèbre.

Cicéron est un avocat, un praticien du droit avant d’être un théoricien de la rhétorique. Le monde judiciaire et les pratiques rhétoriques sont ainsi, dès l’Antiquité, solidement imbriqués à travers le genre judiciaire né en Sicile : l’oralité et la performance, la normativité et les valeurs, les sources et les citations, les preuves et l’argumentation ainsi que la maîtrise des passions constituent autant de terrains communs au droit et à la rhétorique et nul professionnel du droit ne saurait se passer d’une maîtrise du verbe. Dans l’Ancien Régime, qui relève d’une culture litigieuse, cette hybridation réciproque de la rhétorique et du droit est d’autant plus marquante qu’en l’absence de faculté des Lettres proprement dite, c’est l’étude du droit qui apprend à maîtriser la langue. La majorité des écrivains ont ainsi une formation juridique et rhétorique, même s’ils n’exercent pas. Celle-ci influe sur leur parole et leurs idées, les amenant par exemple à envisager chaque lieu commun in utramque partem, pouvant servir dans des directions opposées, soit à l’accusation soit à la défense : ainsi le topos judiciaire des antécédents (la vie passée : vita ante acta) peut, selon les circonstances, servir à affirmer qu’il faut ou qu’il ne faut pas tenir compte des antécédents (Cicéron, De inv., II, 32-35 et 50 ; Rhét. à Her., II, 3-5). L’atticisme trouve dans ce milieu, obnubilé par l’exigence de clarté du langage, mais aussi fasciné par le modèle de l’orator, un écho particulier, sensible jusqu’à Montaigne et Guillaume Du Vair à travers cette « rhétorique des citations » (Fumaroli 1980), où la sentence relève autant de l’adage juridique que de la pratique lettrée, humaniste et rhétorique. La réflexion sur la clarté stylistique marque aussi ce milieu sociologique, contigu à celui des écrivains et d’un Stendhal, qui prendra le Code civil comme modèle stylistique « afin d’être toujours naturel » (lettre à Balzac, 30 octobre 1840).

Les divisions modernes entre les sciences et les disciplines littéraires ne sont pas celles du passé. La rhétorique a ainsi entretenu des liens étroits avec la poésie et les arts. La pratique de la récitation publique (recitatio) a, depuis l’Antiquité, renforcé les liens entre l’œuvre écrite et la performance orale tout comme la musique a permis une diffusion orale de la poésie. Denys d’Halicarnasse estime ainsi que l’orateur Lysias est « un excellent poète en prose » (Orateurs antiques, II, 3, 7). Après avoir étudié la déclamation, Ovide se tourne quant à lui vers la poésie tout en la pensant et en la pratiquant à partir de la rhétorique. « Nos œuvres diffèrent, mais proviennent des mêmes sources » (Pont., II, 5, 65) confie-t-il à Cassius Salanus, maître de rhétorique. Son œuvre atteste pleinement cette hybridité : les Héroïdes sont des lettres en forme de déclamation fictives d’héroïnes délaissées (Pénélope, Ariane, Médée, Didon, etc.) et les discours persuasifs abondent dans les Métamorphoses, où Ajax et Ulysse déclament pour mettre la main sur les armes d’Achille (Mét., XIII, 1-383), où Apollon veut se montrer persuasif pour retenir Daphné (I, 504-524), où la déesse Persuasion (Peithô) est mise au service du discours amoureux, parfois même, à un second degré, dans un subtil pastiche de ses propres techniques.

Les poètes tenteront parfois de distinguer ces domaines, en prétendant que la rhétorique n’est que technique alors que la poésie est un don (« Fiunt oratores, poetae nascuntur », « on devient orateur, on naît poète »). L’humaniste Giovanni Pontano précise ainsi que, si l’orateur et le poète ont tous deux pour devoir « d’émouvoir et de fléchir l’auditeur » (Actius, 233, 3-13), le premier vise à persuader, le second à susciter une admiration fondée sur le sublime : à celui-là la victoire, à celui-ci la célébrité et la gloire. Cette perméabilité entre rhétorique et poésie reste pourtant une réalité à la Renaissance, où la redécouverte de l’Antiquité ravive la connaissance d’œuvres perdues et nourrit un nouvel humanisme rhétorique fondé sur l’espoir dans les vertus civilisatrices et normalisatrices du langage, évoquées par Cicéron (De inv., I, 2) comme par Horace (Art poétique 391-407). Et vastes sont territoires textuels qui émergent : Pétrarque découvre en 1333 le texte du Pro Archia de Cicéron et Poggio Bracciolini met la main en 1416 à Saint-Gall sur le manuscrit complet de l’Institutio oratoria de Quintilien, qui marque la naissance d’une pédagogie humaniste conciliant savoir et implication civile. À Florence, Léonardo Bruni et Coluccio Salutati défendent les bonae literae comme le fondement essentiel de la connaissance, de l’éducation et d’un humanisme civil investi dans le monde social et politique. En France, grande figure de l’idéal cicéronien de l’orator magistrat, à la fois « loi qui parle » (Cicéron, De leg., III, 2) et « bouche du roi », le chancelier Michel de L’Hospital incarne cet idéal par une double pratique, rhétorique dans ses discours juridico-politiques en français et poétique néolatine à travers ses Carmina (Petris 2002). À l’Académie de Poésie et Musique de Baïf et Courville, prototype de l’Académie française fondée en 1635 par Richelieu, on déclame la poésie et les poètes se pressent à l’Académie du Palais de Henri III, organisée par l’avocat du roi Guy Du Faur de Pibrac, brillant orateur latin et poète avec ses fameux Quatrains (1574). Encore à la fin du XVIe siècle, les tragédies de Robert Garnier, magistrat et écrivain, conservent dans leurs vers les marques de déclamations voire de monologues rhétoriques. Quelques décennies plus tard, au salon de l’Hôtel de la marquise de Rambouillet, Corneille, élève de la rhétorique des Jésuites et formé au droit, lira sa tragédie chrétienne Polyeucte.

Les autres arts sont aussi pénétrés par la rhétorique, ce qui n’étonne pas puisque les génies de la Renaissance cumulent les domaines de compétence. Angelo Ambrogini, dit le Politien, professeur d’art poétique et oratoire au Studio de Florence, poète et philologue, sert ainsi de conseiller à Botticelli pour la Primavera et la Naissance de Vénus, et il compose des épitaphes pour Giotto et Filippo Lippi (Galand 1984). La révolution initiée par Giotto doit d’ailleurs beaucoup aux principes rhétoriques de composition d’un discours, à sa dispositio (Baxandall 1971). Le tableau de la Calomnie par le peintre Apelle, œuvre perdue mais décrite par Lucien de Samosate puis le premier théoricien de la perspective Leon-Battista Alberti (De pictura, III, 53), est fondée sur des procédés rhétoriques qui enrichissent autant d’innombrables dessins et tableaux (comme La Calomnie de Botticelli) que de nouvelles descriptions poético-rhétorique de l’œuvre d’art (l’ekphrasis, dont le modèle est la description du bouclier d’Achille chez Homère, Il., XVIII, 478-497 et 508-522 ; Galand 2006). Futur chancelier de France, Michel de L’Hospital insère une telle ekphrasis dans ce discours poétique qu’est son institution du prince composée à l’occasion du sacre de François II en 1559 (De sacra initiatione … sermo V, 8) et que le poète Joachim Du Bellay traduit et amplifie. Créer l’illusion de la vie et d’une présence réelle (evidentia ou enargeia), par la parole ou par l’image, relève d’une seule visée persuasive et éminemment rhétorique, qui lie, depuis Quintilien et Pline le Jeune, la technique à l’éthique, l’art à l’émotivité, l’image mentale et l’émotion contribuant à « placer sous les yeux de l’auditeur/spectateur » (ante oculos ponere  ; Rhét. à Herennius, IV, 68) un être ou un objet absent. Il y a une « rhétorique des arts » (Pernot 2011) tout comme il y a une « rhétorique des inscriptions » du discours dans la pierre et par la pierre.

D’autres arts, comme la musique et l’architecture, traduisent une influence similaire de la rhétorique, qu’il faut se borner à esquisser. La théorie des modes musicaux (sept modes, qui relèvent de trois modes principaux : dorien, lydien, phrygien) est tributaire de celle des styles rhétoriques. Denis d’Halicarnasse exploite cette analogie lorsqu’il précise que la différence entre le style simple de Lysias et celui, élevé, de Thucydide, est la même qu’entre la note la plus aiguë et la note la plus grave : « l’un a le pouvoir de frapper les esprits, l’autre de leur être agréable ; l’un de faire se concentrer et se tendre la pensée, l’autre de la détendre et de l’amollir ; l’un de mener d’emblée à l’émotion violence, l’autre d’installer dans un climat moral » (Démosthène, V, 2, 4). La musique liturgique, de l’hymnodie à la polyphonie, est dès le Moyen Age profondément marquée par le système rhétorique gréco-latin, au point que la musique, influencée par les mathématiques au sein du quadrivium, s’en détache peu à peu sous l’influence de la rhétorique et du trivium. « Les premiers discours furent les premières chansons ; les retours périodiques et mesurés du rythme, les inflexions mélodieuses des accents firent naître la poésie et la musique avec la langue », notera encore Rousseau dans son Essai sur l’origine des langues (XII). De même, les modes architecturaux (dorique, ionique, corinthien) transposent visuellement dans la pierre une vision rhétorique de la hiérarchie des styles et le langage architectural doit beaucoup, depuis Vasari, à la taxinomie comme aux procédés rhétoriques. Les pratiques pédagogiques se rejoignent également et l’élève de rhétorique comme le futur architecte se constituent pareillement un liber locorum (Moss 1996) alimenté autant par l’observation que par la lecture, par le monde et par sa description médiatisée.

 Contestations et subversions

Cette prégnance du système rhétorique ne doit pas effacer les contestations à l’égard de cette primauté du Verbe, qu’elle soit philosophique ou religieuse. Un système aussi globalisant ne va pas sans controverses, qu’elles soient ludiques ou polémiques. Le prétendu monopole humain du logos (Isocrate, Nicoclès, V ; Quintilien, Inst. orat., II, 16, 12-17) est ainsi tôt remis en question par les Cyniques, qui se plaisent à faire parler les animaux. Dans son Cymbalum Mundi (Carillon du monde, 1537), Bonaventure Des Périers donne la parole à des chiens (cynique vient du gr. cynos « chien ») et Rabelais, qui s’adresse au lecteur comme à un chien invité à ronger l’os pour en tirer le sens (la « substantifique moëlle »), estime que le propre de l’homme n’est pas la parole mais le rire : « Mieux est de rire que de larmes écrire / Parce que rire est le propre de l’homme / Vivez joyeux » (Gargantua, 1535). La mise en scène de la rhétorique permet de dénoncer plus ou moins gravement ses dévoiements et ses dangers : admirateur d’Erasme et pourfendeur des hommes graves qui ne rient pas (les agelastes), Rabelais s’amuse ainsi sérieusement à mettre en question les langages du monde, et notamment la rhétorique incompréhensible des sophistes de la Sorbonne, dont la harangue de Janotus de Bragmardo constitue l’exemple le plus parfait (Gargantua, XIX) ; dans le Tiers Livre (1546), c’est Panurge, « bon topicqueur », qui s’enlise dans des discussions sans fin, oubliant que la parole n’est que l’instrument de la pensée ; enfin, à travers la harangue de Ulrich Gallet à Picrochole (Gargantua, XXXI), prototype du discours de l’ambassadeur vertueux au tyran, Rabelais, helléniste convaincu et protégé de ce brillant orateur à Rome que fut le cardinal Jean Du Bellay, témoigne même de ses doutes dans le pouvoir civilisateur et pacificateur de la parole, souvent impuissante.

La question de l’imitation des modèles anciens devient dès le XVe siècle l’objet de vifs débats entre les tenants d’une imitation stricte de Cicéron (Cortesi, Bembo, Longueil, Scaliger, Dolet) et les partisans d’une imitation adulte (Politien, Pétrarque, Érasme) et plurielle, calquée sur l’abeille (« les abeilles pillotent deçà delà les fleurs mais elles en font après le miel, qui est tout leur », écrit Montaigne, I, 26, reprenant une métaphore qui vient de Lucrèce, De nat. Rer., III, 11-12 et passe par Sénèque, Macrobe et Pétrarque) et le ver à soie plutôt que l’araignée, le perroquet, la pie ou le singe. Une imitation plurielle « qui seconde la nature et ne la violente pas », mais respecte le genius individuel et éclectique, comme la souhaitait Quintilien dans le sillage de Denys d’Halicarnasse. Une imitation adulte aussi, qui repose sur l’émulation et la créativité, capable de se connaître, mais aussi de tirer le meilleur des meilleurs auteurs, patiemment « digérés » (Sénèque, Epist., 84). Défendant l’excellence de Démosthène, Denis d’Halicarnasse montre ainsi que son style est supérieur car Démosthène « n’a pas cherché à imiter un seul modèle […] il a choisi chez chacun ce qu’il y avait de meilleur pour se forger une expression à la fois courante et pleine d’humanité » (Démosthène, V, 33, 3) : « sélectionnant, d’où qu’ils viennent, les éléments les plus puissants ou les plus utiles, il les tissait ensemble et constituait, à partir de plusieurs styles, un mode d’expression unique, alliant la magnificence à la simplicité, le raffinement à l’absence de recherche, l’insolite à l’ordinaire, le décoratif au véridique, l’austérité au sourire, la tension à la détente, la suavité au mordant, l’impression morale à l’émotion, semblable en tous points au Protée de la fable décrit par les poètes antiques, qui prenait successivement toutes sortes de formes sans la moindre difficulté » (Démosthène, V, 8, 2-3). Pourtant, aux doutes de Politien, Cortesi répond que la ressemblance au modèle tient plus de « l’air de famille » que d’une copie servile : « La ressemblance, je la veux, moi, mon cher Politien, non comme celle du singe avec l’homme, mais comme celle du fils au père. Le singe, imitateur ridicule, reproduit seulement les laideurs et les défauts du corps humain, en une ressemblance déformée ; le fils au contraire restitue le visage, l’allure, le port, le mouvement, l’apparence, la voix enfin et l’aspect du père, et pourtant il a, au sein de cette ressemblance, quelque chose qui lui est propre, naturel, différent, de sorte que, quand on les compare, ils semblent différents » (Cortesi à Politien ; Garin 1952, p. 906). L’enjeu dépasse évidemment les questions rhétoriques et déborde sur les autres arts comme sur l’espace politique et idéologique puisque la curie pontificale, avec ses deux fameux secrétaires Pietro Bembo et Jacopo Sadoleto, érige Cicéron en modèle unique du style officiel, la résistance au cicéronianisme devenant dès lors une forme d’opposition à l’autorité romaine.

On le voit, le système rhétorique inclut les moyens de sa propre remise en question. Si le langage joue un rôle crucial dans l’élaboration et la validation des croyances, qui deviennent par lui des évidences communes et partagées (doxa), la rhétorique offre ainsi à travers le genre du paradoxe le moyen de contester ces mêmes valeurs. De l’Éloge d’Hélène par Gorgias (Ve siècle av. J.-C.) au Dom Juan de Molière, en passant par l’éloge du parasite par Lucien de Samosate, l’éloge de l’ignorance par Cornelius Agrippa (De incertitudine et vanitate scientiarum 1530), les Paradossi (1543) d’Ortensio Lando et l’Hymne de la surdité (1558) de Joachim Du Bellay, l’éloge paradoxal conteste la validité d’un discours considéré comme orthodoxe et donc évident (Dandrey 1997). Dans ses Topiques comme dans sa Rhétorique, Aristote opposait déjà le bon raisonnement, fondé sur les idées endoxales, sur les évidences partagées et admises (doxa) par la collectivité et par l’élite éclairée (toi sophoi  ; I, 1, 100b18), aux opinions adoxales, contraires à la doxa, paradoxales, c’est-à-dire problématiques, incertaines voire dangereuses. Théorisé par Quintilien et illustré par Lucien de Samosate, ce genre crée une dynamique par l’irruption d’une étrangeté illogique et parfois même oxymorique, à l’image des titres paradoxaux, qui disent la complexité des êtres et des choses, du Bourgeois gentilhomme (1670) de Molière et de Micromegas (1752) de Voltaire à La pitié dangereuse (1939) de Zweig, l’Éloge de la fuite (1976) d’Henri Laborit ou plus récemment l’Éloge des frontières (2010) de Régis Debray. Antilogie qui force à repenser les évidences, facétie qui s’amuse avec les normes, ce genre hérite d’une longue tradition du débat contradictoire née de l’éristique de Protagoras et fondée sur des pratiques pédagogiques. Auteur d’un Éloge de la folie dédié de manière plaisante à son ami Thomas More (Moria signifie « Folie »), Érasme confie ainsi que More « se complaisait beaucoup dans sa jeunesse aux exercices déclamatoires et parmi eux aux thèmes paradoxaux parce que la gymnastique de l’esprit y est plus difficile » (More, Correspondance, éd. M.A. Nauwelaerts, Bruxelles, t. IV, 1970, p. 22). La fiction paradoxale relève ainsi d’abord d’une pratique rhétorique concrète chez ce chancelier de Henry VIII.

Trop tournée vers le sensible selon Platon, rivée au seul vraisemblable selon les dialecticiens et les logiciens, trop éloignée de la Beauté et de la fiction selon les poéticiens, incapable de laisser l’auditeur ou le lecteur trouver le sens sans lui faire violence selon les littéraires, vestige du passé dépourvu de créativité selon les romantiques, la rhétorique prête le flanc à de multiples critiques. À travers ses évolutions et ses révolutions, elle n’en a pas moins marqué la production discursive et artistique, mais aussi la pensée même de la culture occidentale pendant près de deux millénaires, renaissant sous différentes formes et irriguant les domaines des savoirs et des croyances.

LORIS PETRIS

 Bibligraphie succincte

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Pour citer :
Loris Petris, « Rhétorique dans la tradition européenne », in Houari Touati (éd.), Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, printemps 2014, URL = http:http://www.encyclopedie-humanisme.com/?Rhetorique-dans-la-tradition