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‘Umrân

La civilisation dans la théorie khaldûnienne

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 La « civilisation » avant elle-même

‘Umrân est un substantif de la langue arabe, qui acquiert de l’intérêt, pour les sciences historiques et sociales modernes, grâce à l’usage particulier qu’en fait, au XIVe siècle, Ibn Khaldûn, auteur majeur de la pensée arabo-musulmane. Juriste, enseignant, historien et diplomate, Ibn Khaldûn (Tunis 1332 - Le Caire 1406) a exprimé, dans la Muqaddima, une conception de l’histoire et de la société qui a été comparée à celle de Machiavel, de Vico et de Montesquieu. La modernité de ses idées a stimulé l’appréciation des Européens, qui l’ont connu à partir du XIXe siècle par le biais des Turcs, chez qui il jouissait d’une grande renommée. L’un des premiers à publier des extraits de la Muqaddima dans une langue occidentale présente Ibn Khaldûn comme « le Montesquieu des Arabes » (von Hammer-Purgstall, 1812, p. 360). La comparaison entre Ibn Khaldûn et les modernes est reprise par d’autres auteurs tant en Europe qu’au Moyen-Orient. Ainsi, le gouverneur d’Égypte Mehemet Ali, qui avait fait traduire Le Prince de Machiavel en turc, soutient, en 1828, la supériorité de la pensée khaldûnienne sur celle du Secrétaire florentin ; de même, l’égyptien Tahtâwî (1801-1873), un des fondateurs du courant moderniste de la nahda, parle de Montesquieu comme de l’Ibn Khaldûn de l’Occident.

‘Umrân est un des concepts-clé qu’Ibn Khaldûn utilise dans la Muqaddima. Il s’agit d’un terme complexe et polysémique, qu’on peut traduire, avec un certain degré d’approximation, par le concept moderne de « civilisation ». Son auteur en fait l’objet d’une nouvelle science, dont il se déclare l’inventeur, dans le but de donner une dignité scientifique à l’étude de l’histoire et de la société, qui à son époque demeurait dominée par la tradition religieuse.

L’intérêt d’Ibn Khaldûn pour l’histoire et la société humaine a d’évidentes racines autobiographiques : il vit dans l’Afrique du Nord du XIVe siècle, période de transition après l’époque des Almohades, qui avaient unifié l’Afrique du Nord et l’Espagne et donné vie à une florissante civilisation ouverte aux influences andalouses, avant de s’éteindre au XIIIe siècle. Pendant les trois siècles qui mènent à la conquête ottomane du XVIe siècle, l’Afrique du Nord traverse une crise profonde, où trois dynasties berbères rivales essaient, sans succès, de reconstituer un empire selon le modèle de leurs prédécesseurs almohades.

Pendant sa vie mouvementée, qui le mène de la Tunisie au Maroc, à l’Andalousie, à l’Égypte et à Damas, Ibn Khaldûn vit dans les cours principales, désigné par les gouvernants à des fonctions prestigieuses dans les champs de la politique, du droit et de l’enseignement. Fin érudit, ainsi qu’habile diplomate, son ambition lui procure en alternance périodes de fortune et de disgrâce, qu’il raconte dans son Autobiographie (Ta‘rîf).

Ibn Khaldûn, à mi-chemin entre les classiques et les contemporains, propose une interprétation du monde et de la politique fondée sur des principes rationnels. Six siècles plus tard, la Muqaddima est toujours une référence pour ceux qui recherchent une voie vers la modernité qui ne soit ni une exaltation du passé ni une simple imitation du modèle occidental et qui maintienne séparées la science et la révélation, ainsi que la politique et la religion, dans le respect mutuel. D’où l’importance d’Ibn Khaldûn pour la pensée politique contemporaine (Turroni, 2005).

 La science du ‘umrân

En raison de la complexité et de l’articulation du sujet, la présente notice vise à fournir les outils philologiques et conceptuels indispensables pour une compréhension du texte, tout en renvoyant, pour une reconstruction détaillée des caractères et des phases du ‘umrân, à la monographie de son auteur (Turroni, 2002).

La « science de la civilisation », ‘ilm al-‘umrân, répond à une double problématique, qui est à la base de la pensée khaldûnienne : la première, d’ordre méthodologique et historiographique, prétend donner des règles à l’historien et lui fournir une méthode pour sélectionner, enchaîner et présenter les faits. La seconde, d’ordre philosophique, se base sur la quête du sens de l’histoire humaine, question qu’Ibn Khaldûn aborde du point de vue politique, et qu’on peut synthétiser en trois questions fondamentales : pourquoi le pouvoir existe, comment on l’acquiert et pourquoi on le perd ? La question méthodologique et la question philosophique sont entremêlées car, pour répondre à la deuxième, il fallait mettre au point une méthode d’investigation des faits ; c’est justement la quête d’un sens, d’une direction de l’histoire, des règles et des mécanismes qui sous-tendent l’enchaînement des faits qui ont dû stimuler la recherche d’une approche qui soit historiographique.

Pour comprendre la portée de la question historiographique posée par Ibn Khaldûn, il faut considérer le rôle que les faits historiques, surtout ceux des premiers temps de l’Islam, ont joué dans la fixation du dogme religieux et, par suite, dans la définition de l’ordre social islamique. Les « faits accomplis et les paroles prononcées par le prophète Muhammad et ses compagnons » (hadîth) sont déterminants dans l’élaboration des sciences traditionnelles, que sont les sciences coraniques, la science du hadîth, la jurisprudence et la théologie. Pour la nature de son objet, la science du hadîth est à la base de toutes les sciences islamiques, y compris l’historiographie.

L’importance des événements sacrés débouche, dans l’Islam, comme dans toutes les religions révélées, sur le problème critique de la véridicité des faits et des moyens de leur transmission ; sur ce point, on relève une difficulté, qui a toujours été causée par la confusion entre l’événement et sa narration. Ainsi, khabar, qui est une des notions fondamentales dans l’historiographie musulmane, désigne en même temps le fait et son récit. Les spécialistes de hadîth, qui sont les premiers à se poser le problème critique du khabar, centrent leur attention sur le second aspect. La crédibilité des narrateurs est par conséquent placée au centre de l’intérêt dans les différentes disciplines traditionnelles.

La critique d’Ibn Khaldûn aux historiens, ses contemporains, concerne précisément la question de l’imitation aveugle de la tradition : il affronte le nœud critique du khabar en soulevant la question de la correspondance entre l’événement et sa représentation. Il veut connaître les principes qui permettent de distinguer le vrai du faux, l’analyse des faits du passé lui servant à comprendre le présent.

L’objet de la science khaldûnienne s’inscrit donc dans le domaine de la réalité sensible, le seul saisissable par la raison humaine. Dans un long passage de la Muqaddima, Ibn Khaldûn énonce les principaux éléments constitutifs de l’histoire ; il s’agit du produit de la coopération humaine, qu’il appelle ‘umrân et qui embrasse toutes les manifestations de la vie en société, de la politique à l’économie, des modes de vie aux sciences et à l’enseignement :

« L’histoire a pour objet l’étude de la société humaine (al-ijtimâ‘ al-insânî), c’est-à-dire de la civilisation universelle (‘umrân al-‘alam). Elle traite de ce qui concerne la nature (tabî‘a) de cette civilisation, à savoir : la vie sauvage et la vie sociale, les particularismes dus à l’esprit de clan (al-‘asabiyyât) et les modalités par lesquelles un groupe humain en domine un autre. Ce dernier point conduit à examiner la naissance du pouvoir (mulk), des dynasties (duwal) et des classes sociales. Ensuite, l’histoire s’intéresse aux professions lucratives et aux manières de gagner sa vie, qui font partie des activités et des efforts de l’homme, ainsi qu’aux sciences et aux arts. Enfin, elle a pour objet tout ce qui caractérise la civilisation (‘umrân) » (Q, I, 56 ; M, I, 69).

La notion de ‘umrân définit donc le champ d’investigation de l’historien : « S’il en est bien ainsi, la règle à appliquer pour discerner, en histoire, la vérité de l’erreur, en se fondant sur l’appréciation du possible et de l’absurde, consiste à étudier la société humaine, c’est-à-dire la civilisation (‘umrân) » (Q, I, 61 ; M, I, 74-75).

L’idéal scientifique khaldûnien est positiviste : son but déclaré est d’ « expliquer au lecteur comment et pourquoi les choses sont ce qu’elles sont » (Q, I, 6 ; M, I, 9), le même propos que, près de quatre siècles plus tard, Leopold von Ranke exprimera en déclarant vouloir montrer wie es eigentlich gewesen, c’est-à-dire « comment les choses ont été en réalité ».

 Significations de ‘umrân

Ibn Khaldûn se considère à juste titre comme l’inventeur d’une nouvelle science, car il modifie le sens même du terme ‘umrân, qu’il emploie comme un vrai néologisme. Après lui, mais surtout à partir du début du XIXe siècle, avec la diffusion de sa pensée en Europe, le terme ‘umrân a stimulé la discussion dans les sciences humaines et n’a cessé d’être l’objet de débats dans les études khaldûniennes. Il s’agit d’un terme nouveau et articulé, qui pose de nombreux problèmes lexicaux, liés au fait que, d’un côté, sa signification n’est pas univoque, de l’autre, il n’y a pas dans les langues occidentales un seul mot qui lui correspond exactement.

‘Umrân dérive de la racine arabe ‘-m-r, ayant, dans la langue classique, plusieurs sens : le premier est « habiter, rester, résider, séjourner » ; un deuxième groupe de significations indique « devenir peuplé, bien peuplé, bien fourni d’hommes, cultivé, bien cultivé ; le contraire de désolé, désert, inculte » ; ‘umrân peut enfin signifier « construire une maison, l’habiter, la rendre prospère » (Lane, Arabic-English Lexicon, V, p. 2153-2156). Les trois groupes de sens font tous référence à deux connotations fondamentales qui renvoient, d’un côté, à l’activité humaine, de l’autre à l’élément géographique, c’est-à-dire à l’endroit où l’activité humaine se déploie.

Avant Ibn Khaldûn, ‘umrân était utilisé pour exprimer les idées de vie, de population, d’habitation et de mise en culture d’une terre. Ainsi, on trouve dans le Coran l’expression ‘amarûhâ (variante : ‘ammarûhâ) : « [Ils] la peuplèrent [la terre] » (Coran, XXX, 8/9). Les géographes arabes l’employaient dans un sens très concret, en référence aux régions de la terre habitée, où la naissance et le développement de la vie étaient possibles. L’idée d’être peuplé, cultivé pouvait se référer soit aux hommes, indiquant en ce cas un lieu habité ou habitable, soit aux plantes, signifiant une terre cultivée ou cultivable.

Le lexique d’Ibn Khaldûn, qui appartient à l’arabe post-classique, s’écarte parfois de la langue classique ; ainsi, dans la Muqaddima, ‘umrân, peut avoir différentes significations, selon le contexte. Dans la première partie de l’ouvrage, qui est à caractère géographique, le terme est utilisé principalement dans le sens classique de terre peuplée, de région habitée. Exception faite de cette section géographique, qui n’occupe qu’un dixième environ de l’ouvrage, l’utilisation du terme est tout à fait originale. Ibn Khaldûn s’en sert pour exprimer l’objet de sa nouvelle science ; dans cette acception, ‘umrân comprend tout ce que les hommes produisent dans leur vie associée : de la science à la technique, à la politique, à l’économie, à la morale, à la culture. Si, dans le premier cas, le terme se limite à évoquer l’idée de l’endroit où l’activité humaine a lieu, ici il représente un objet plus complexe, car l’activité humaine et le milieu où elle se manifeste sont combinés et interagissent entre eux. Par exemple, Ibn Khaldûn soutient la thèse de l’influence du climat sur le caractère et sur le physique des hommes ; cette idée, qui a son fondement dans les théories du grec Galien (IIe siècle ap. J.-C.), reprises ensuite par la médicine arabe, se fonde sur le principe des quatre qualités fondamentales, chaud, froid, sec, humide, dont la combinaison déterminerait la variété des êtres humains. Pour Ibn Khaldûn, les zones climatiques idéales se trouvent dans les régions médianes de la terre, là où le chaud et le froid sont combinés de façon équilibrée, tandis que l’excès de l’un des facteurs provoque un déséquilibre dans le caractère et dans les qualités morales des hommes (Q, I, 148-157 ; M, I, 165-174).

L’acception nouvelle de ‘umrân a, à son tour, un sens général et deux sens spécifiques : dans son sens large, la civilisation est définie comme « la cohabitation des hommes dans les villes et sous les tentes, pour satisfaire leurs besoins et leur penchant pour la société, car la coopération est dans la nature des hommes » (Q, I, 67 ; M, I, 81-82). Les deux sens spécifiques interviennent là où Ibn Khaldûn se réfère aux deux modalités principales de la vie associée et à ses produits, c’est à dire à la civilisation bédouine (‘umrân badawî) et a la civilisation urbaine (‘umrân hadarî).

Les interprètes d’Ibn Khaldûn ne sont pas toujours d’accord sur la façon de traduire les termes techniques, car, en effet, il n’en existe pas une seule possible. Dans la plupart des cas, ‘umrân est rendu, en anglais et en français, par civilisation (voir, en français, les traductions de la Muqaddima de De Slane 1862-68, Monteil 1967-68, Cheddadi 2002, et les études critiques de Hussein 1917, Bouthoul 1930, Talbi 1973, et, en anglais, la traduction de la Muqaddima de F. Rosenthal 1958, ainsi que les textes de E. Rosenthal 1958), tandis qu’en allemand prévaut le terme Kultur, Zivilisation étant utilisé pour traduire ‘umrân hadarî (Ayad, 1930 ; E. Rosenthal, 1932). Il est intéressant de remarquer qu’Erwin Rosenthal utilise Kultur quand il écrit en allemand, et civilization dans ses écrits en langue anglaise, tout en soulignant que l’acception française de civilisation comprend aussi ce qu’en allemand on appelle Kultur (E. Rosenthal, 1932, p. 205).

Pour en venir aux sens spécifiques, le terme badawî indique généralement l’habitant du désert, mais il peut désigner aussi le paysan. Dans le lexique anglais de Lane, la traduction du sens classique de b-d-w, tel qu’il était utilisé par les Arabes originaires de la Péninsule arabique, est : « The people, or company of men, went forth to the desert ; went forth from the region, or district, of towns or villages or of cultivated land, to the pasturing-places in the desert ». La racine h-d-r signifie, au contraire, « être présent, s’établir ». L’opposition de sens entre les racines b-d-w et h-d-r est bien rendue dans l’expression badawî yatahaddaru  : « an inhabitant of the desert who becomes an inhabitant of a region, district, or tract, of cities » (Lane, Lexicon, I, p. 170-172).

Par rapport au sens classique du terme badawî, tel qu’il était employé dans la péninsule Arabique, le mot subit une évolution dans la période postérieure, attestée dans le lexique de Dozy, qui donne la signification des termes arabes utilisés par les écrivains postérieurs, spécialement andalous et nord-africains, comme l’était Ibn Khaldûn. Là, badawî signifie « agriculteur, paysan, villageois » (Dozy, Supplément aux Dictionnaires arabes, I, p. 59). Enfin, le Vocabulista in arabico, dictionnaire arabe-latin et latin-arabe rédigé dans la deuxième moitié du XIIIe siècle en Andalousie, traduit badawî par rusticus (paysan).

Dans la Muqaddima, les deux types de civilisation sont définis par rapport aux milieux où ils se développent. Ainsi, on rencontre le ‘umrân badawî « dans les faubourgs [dawâhî, dans le sens littéral du latin suburbium, un bourg près de la ville], sur les montagnes et dans les campements des nomades près des pâturages des régions désertiques, ou aux bordures des déserts de sable » (Q, I, 67 ; M, I, 82). Différemment, on rencontre le ‘umrân hadarî « dans les grandes villes (amsâr), dans les villages (qurâ), dans les villes (mudun) et dans les hameaux (madâshir), qui sont entourés et protégés de murailles » (ibid.). Hadarî, qui comprend donc toutes les formes de vie qui se développent à l’intérieur de murs d’enceinte, est proprement la civilisation urbaine, tandis que badawî inclut les formes de vie alternatives, qui peuvent être de type nomade ou paysan. Pour cette raison, plutôt que de traduire badawî par nomade, ou rural, ou encore primitif, il est plus approprié de le rendre par bédouin, si le mot est utilisé dans un sens général, et nomade ou paysan si l’auteur se réfère à un seul des sens spécifiques.

L’analyse des acceptions différentes du terme ‘umrân nous permet de revenir sur le choix de traduction, pour mieux en préciser le sens. L’un des mots qui a été employé pour rendre ‘umrân est société, comme le fait Nassar, qui considère à juste titre la science khaldûnienne comme une sociologie ante litteram (Nassar, 1967, p. 143 ; voir aussi Oumlil, 1979, et Pizzi, 1985). Toutefois, le terme moderne société correspond à un autre terme : ijtimâ‘, un substantif avec un sens réfléchi, formé de la racine j-m-‘, qui signifie réunir, regrouper, joindre ensemble. La sociologie est dite aujourd’hui ‘ilm al- ijtimâ‘ (litt. : la science de la société). De plus, bien qu’Ibn Khaldûn établisse une identité entre les termes ijtimâ‘ (société) et ‘umrân, il ne se sert pas du premier, mais du second pour désigner son objet historique. Encore, d’autres ont traduit ‘umrân par culture (Mahdi, 1964 ; Rabi‘, 1967).

La question est que, malgré sa modernité, la science khaldûnienne n’est pas une science moderne ; c’est donc pour éviter de forcer la pensée d’Ibn Khaldûn qu’on préfère traduire l’objet de sa science par civilisation, qui, à la différence de société et de culture, n’est pas devenu, dans le langage des modernes sciences sociales, l’objet d’une science particulière. Une autre raison en faveur du terme civilisation est que, bien que le mot ‘umrân puisse désigner, dans son sens spécifique, deux genres de civilisation, la bédouine (badawî) et l’urbaine (hadarî), en maints cas, il n’est pas employé dans un sens neutre, comme par exemple celui de culture dans l’anthropologie contemporaine. En fait, Ibn Khaldûn emploie souvent ‘umrân comme synonyme de hadâra, dont le sens oscille entre ceux des mots latins civitas et civilitas, civitas ayant le sens neutre de cité, de société politique, tandis que civilitas, civilisation, rajoute une nuance axiologico-évaluative. Au fond, pour Ibn Khaldûn, le vrai sens de ‘umrân n’est pas simplement la vie en société, mais la vie civilisée.

Voilà pourquoi civilisation nous semble le terme le plus approprié pour rendre l’arabe ‘umrân, bien que, compte tenu de la variété des contextes sémantiques dans lesquels il se présente, il est préférable, en certaines occasions, de recourir à société ou à mode de vie.

 Le ‘umrân dans la dynamique de l’histoire

Nous venons ainsi de considérer le caractère innovateur de la science d’Ibn Khaldûn par rapport à son objet, ce qui nous conduit au cœur de sa conception de l’histoire.

Si l’identité d’Ibn Khaldûn, en tant qu’historien, est universellement reconnue, ses multiples désignations, en qualité de précurseur de la sociologie moderne, de l’anthropologie ou de la philosophie de l’histoire, posent un problème d’ordre épistémologique. En effet, ces dernières disciplines se sont constituées – dans la forme qu’on leur connaît aujourd’hui en Occident – dans une période précise de notre histoire moderne, selon des passages qui en ont décrété la fondation en tant que sciences indépendantes, dotées de principes et de méthodes qui leur sont propres. Toutefois, nous pouvons admettre que l’absence d’un acte fondateur n’empêche pas l’existence d’un certain genre de réflexion. Cela n’empêche pas que, à des moments différents ou dans d’autres sociétés, des réflexions d’ordre philosophique sur le monde, la nature et l’homme, aient existé. Tout simplement, elles n’ont pas eu leur propre espace conceptuel autonome, et sont restées parties prenantes d’un plus vaste et indifférencié univers intellectuel, caractérisé par une vision plus inclusive de la réalité.

Or, chez la plupart des grands historiens, de toute époque et culture, la narration des faits historiques s’accompagne et se construit sur la base de présupposés et de considérations d’ordre philosophique, social, politique et anthropologique. Dans l’œuvre d’Ibn Khaldûn, aussi bien que dans celles des grecs Hérodote, Thucydide et Polybe, ainsi que chez Machiavel, Hegel, Spengler et Toynbee, l’histoire – dans le sens d’écriture de l’histoire –, la philosophie et les sciences sociales apparaissent indissolublement entremêlées.

Pour comprendre le sens philosophique du mot ‘umrân dans la Muqaddima, il faut faire référence à l’idée de vie : de la même racine ‘-m-r sont formés tant le verbe ‘ammara, qui signifie vivre longtemps, que le substantif ‘umr, qui indique la vie, la durée de la vie.

L’importance donnée par Ibn Khaldûn à ce mot est sans doute le reflet d’une conscience de la distinction entre ce qu’est l’objet de l’histoire et ce qu’est la société : d’un côté, l’ijtimâ‘ est un concept sociologique, indiquant le caractère associé de la vie des hommes, tandis que le ‘umrân est un concept historique soumis à l’ordre naturel, au devenir historique. À la différence du ‘umrân, l’ijtimâ‘ n’est pas considéré dans le temps, dans le devenir, mais en tant que caractère naturel de l’homme.

L’ijtimâ‘ suffirait donc à Ibn Khaldûn pour conduire son étude d’anatomie sociale (Laroui, 1987, p. 111). Pour reprendre la métaphore du médecin-légiste proposée par Laroui, on peut plus proprement parler de physiopathologie de la civilisation car, comme le physiopathologiste le fait, Ibn Khaldûn va à la recherche des mécanismes qui conduisent à l’apparition d’une maladie et des conséquences de celle-ci. L’ijtimâ‘ constitue en fait un objet statique, par l’observation duquel on peut atteindre une représentation synchronique du réel ; par contre, en étant doué d’une vie propre, à l’image d’un organisme vivant, le ‘umrân constitue proprement l’objet diachronique qu’Ibn Khaldûn veut représenter.

Sur la méthode d’Ibn Khaldûn, les interprètes ne sont pas d’accord ; à notre avis, la définition la plus pertinente est celle de réalisme (voir Nassar, 1967), car les catégories principales de l’interprétation khaldûnienne de l’histoire – dont ‘umrân n’en est qu’une – sont le produit d’un processus de rationalisation d’éléments historiques et sociaux obtenus par l’observation empirique des faits. Ce qui n’empêche pas d’admettre la possibilité d’un développement philosophique des concepts khaldûniens (voir Talbi, 1973).

En fait, Ibn Khaldûn donne à ces éléments un sens philosophique, en introduisant deux principes rationnels, qui ont une fonction dynamique. Premièrement, à la base de son projet scientifique, il y a la conviction que des constantes existent dans l’histoire, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Ce qui relie et donne sens à ces principes fondamentaux est la notion de tab‘, nature, dont Ibn Khaldûn se sert comme critère interprétatif. Dans le monde de l’histoire, dans le ‘umrân, les événements se passent par nature (katà phỳsin en grec, bi-l-tab‘ en arabe), comme dans le cas d’un organisme vivant. La philosophie khaldûnienne est fondée sur l’idée d’ordre naturel, qui a un caractère téléologique : toute civilisation – dans le sens de formation historique déterminée – a en soi les phases de la naissance, du développement, du déclin et de la mort.

Deuxièmement, toute la construction khaldûnienne repose sur l’idée que l’homme est politique (madanî) par nature. Le terme arabe madanî correspond au grec politikós, puisque les deux dérivent de l’idée grecque de pólis, madîna en arabe. Ibn Khaldûn se sert donc de l’idée aristotélicienne de l’homme zôon politikón (animal politique). Être politique par nature implique pour l’homme la nécessité de vivre avec ses semblables. Les deux philosophes diffèrent pourtant dans la conception de la racine de cette nature sociable de l’homme. D’après Aristote, il s’agit de l’aspiration à la satisfaction des besoins, donc d’un élément positif dans le développement de la nature humaine. Dans la Politique, Aristote écrit : « La communauté qui se constitue pour la vie quotidienne selon nature est la famille […]. La première communauté résultante de plusieurs familles pour les besoins qui ne sont pas quotidiens est le village […]. La communauté qui résulte de plusieurs villages est l’État (pólis), parfait, […] formé pour rendre possible la vie, il existe en effet pour rendre possible une vie heureuse » (Aristote, Politique, I, 1252 b13 s.).

Différemment d’Aristote, Ibn Khaldûn se fonde sur une anthropologie négative ; il repère la racine première de l’organisation politique dans la nature animale de l’homme, qui le pousse à l’agressivité et à l’injustice. C’est à cause de cette nature négative que l’homme a besoin d’un wâzi‘, d’un frein, d’un modérateur, c’est-à-dire de la politique : « Les hommes ont besoin d’un modérateur (wâzi‘) qui les contrôle et les sépare, car l’agressivité (‘udwân) et l’injustice (zulm) sont dans la nature animale de l’homme. Les armes, construites pour la défense des êtres humains contre l’agressivité des animaux stupides, ne suffisent pas contre l’agressivité de l’homme envers ses semblables, puisque tous possèdent ces armes-là […]. [Le modérateur] doit les dominer et avoir pouvoir et autorité sur eux, afin que personne ne puisse attaquer l’autre » (Q, I, 71 ; M, I, 87-88).

Ibn Khaldûn place au centre de sa science de la civilisation la politique. Il exprime cette idée en termes aristotéliciens, qu’il répète dans plusieurs occasions : « La dynastie (dawla) et le pouvoir souverain (mulk) sont, pour la civilisation, ce que la forme (sûra) est pour la matière (mâdda), c’est-à-dire la figure extérieure qui, par ses qualités spécifiques, en préserve l’existence » (Q, II, 264 ; M, II, 774-775). Ce qu’il entend par matière ce sont les éléments qui sont vivifiés par la politique : « La dynastie (dawla) et la souveraineté (mulk) constituent la forme (sûra) de la création et de la civilisation, lesquelles, à leur tour, avec les sujets et les villes, leur servent de matière (mâdda) » (Q, II, 255 ; M, II, 765).

La politique, aussi comparée à l’idée aristotélicienne de forme, est le cœur de la civilisation. Mais, quel est le fondement de la politique ? Dans les deux passages précédents, nous trouvons deux termes : dawla et mulk. Or, d’après Ibn Khaldûn, la condition d’existence pour ces deux principes est également l’esprit de corps (‘asabiyya). Il s’agit là d’un concept lié au genre de vie tribal, désignant la solidarité qui s’instaure dans un groupe, qu’il soit formé sur des liens de sang ou bien sur des alliances. Ibn Khaldûn reprend le terme ‘asabiyya de la tradition, mais il en fait un usage particulier. Si son sens prévalent est le sentiment de solidarité qui s’instaure dans un groupe, parfois il peut désigner le groupe même, qui se trouve lié par ce genre de sentiment (Gabrieli, 1930).

Dans la Muqaddima, la ‘asabiyya est le vrai moteur de l’histoire : née là où les conditions de vie sont les plus dures, elle est à l’origine du courage et de la fierté des groupes bédouins. Ceux-ci parviennent, en certains cas, au bien-être de la vie urbaine ; le passage se fait en fondant une dynastie d’abord, pour ensuite soit se lancer à la conquête d’une ville dominée par une autre dynastie, soit créer, carrément, une ville nouvelle. Pour Ibn Khaldûn, le passage d’un type de civilisation à l’autre est naturel, car cela implique une amélioration des conditions de vie. Il repère trois facteurs principaux à l’origine du changement : la gloire, le luxe et la paix. Ces trois éléments ne peuvent qu’exister dans la civilisation urbaine, mais, en même temps, quand ils atteignent un certain degré, ils sont à l’origine de la décadence et de la fin de la dynastie au pouvoir. La raison en est qu’ils provoquent une corruption physique et morale progressive du groupe dominant, aussi qu’une dégénérescence de la forme de gouvernement en tyrannie. C’est ainsi que le pouvoir est prêt à être conquis par un nouveau groupe, issu à son tour du monde bédouin.

La ‘asabiyya a donc son origine dans la civilisation bédouine, mais elle tend, par nature, à la fondation d’une dynastie et au mulk : « Le pouvoir politique et la dynastie sont le but (ghâya) de l’esprit de corps. La civilisation urbaine est le but (ghâya) de la civilisation bédouine. Toute civilisation, avec ses formes bédouine et urbaine, ses rois et ses sujets, a une vie physique, exactement comme tout individu » (Q, II, 255 ; M, II, 765-766).

Dans sa conception organiciste de l’histoire, mise en évidence par la comparaison entre la civilisation et la vie de l’individu, Ibn Khaldûn exprime par le mot ghâya le concept aristotélicien de télos, qui indique en même temps le terme final et le but. En fait, le pouvoir politique et la dynastie sont pour l’esprit de corps tant la fin, qui est objective et inscrite dans l’ordre naturel des choses, que le but, ayant un caractère subjectif (Goichon, 1939, p. 23). Donc, si la « fin » de l’esprit de corps est le pouvoir politique, lequel a son origine dans la civilisation bédouine, la « fin » du pouvoir politique est la civilisation urbaine : « le pouvoir politique est le but naturel (ghâya) de l’esprit de corps. Ce n’est pas affaire de choix, mais de nécessité et de nature des choses » (Q, I, 364 ; M, I, 398).

Pourtant, se borner à l’analyse du devenir politique et social amène à conclure que la vision khaldûnienne de l’histoire a un caractère pessimiste et cyclique, car elle serait soumise à une répétition de cycles d’ascensions et de déclins toujours égaux à eux mêmes.

Pour repérer un facteur de progrès, il faut distinguer la politique de la civilisation, ainsi que la civilisation de l’histoire. S’il n’y a pas de doute que la dynastie et le pouvoir souverain ne peuvent pas échapper au cycle organique, ce n’est pas toujours le cas pour la civilisation. Et, surtout, on ne pourrait pas attribuer à Ibn Khaldûn l’idée de la fin de l’histoire, ce qui serait blasphème dans sa vision du monde, fondée – bien sûr – sur des principes rationnels, qui sont indépendants de la religion, mais pas en contraste avec elle. Sa vue d’ensemble sur l’histoire et la civilisation – qui dans le texte reste implicite – permet de repérer, à côté du schéma cyclico-pessimiste, un principe de progrès (Turroni, 2009).

Dans ce but, il faut revenir sur la notion de dawla, qui est traduite, souvent et erronément, par « État ». Comme l’a bien souligné Cheddadi, le concept khaldûnien de dawla ne correspond pas au concept moderne d’« État » (Cheddadi, 2006, p. 318 s.). De même, Franz Rosenthal avait critiqué, de façon tranchante, l’emploi du terme « État » pour traduire dawla, en soutenant que, dans la théorie khaldûnienne, il n’existe pas une notion correspondante, y compris à celle d’État pré-moderne : « Dans la vision khaldûnienne de l’histoire […], il n’y a pas de place pour le concept abstrait de ‘État’. Chez Ibn Khaldûn, un État existe seulement dans la mesure où sa cohésion est maintenue et où il est régi par des individus et le groupe que ceux-ci constituent, c’est à dire la dynastie. Quand la dynastie disparaît, l’État, qui ne fait qu’un avec elle, arrive aussi à sa fin » (F. Rosenthal, The Muqaddimah, Introduction, 1958, I, p. LXXX).

Si les remarques de Rosenthal ont un fond de vérité, c’est dans le sens où le terme dawla ne se confond pas entièrement avec le concept d’État. Pourtant, l’affirmation que dans la théorie khaldûnienne il n’y a pas d’idée correspondante à la notion d’État est discutable, d’autant plus que, dans la Muqaddima, elle peut être repérée aussi dans le terme madîna, qui est l’exact correspondant arabe du grec pólis. Ce n’est pas un hasard si Ibn Khaldûn exprime le concept aristotélicien de l’homme zôon politikón en recourant justement à son adjectif dérivé madanî. À côté du terme madîna, on trouve celui de misr, qui indique une grande ville : Ibn Khaldûn l’emploie, par exemple, pour désigner les capitales des empires.

L’importance de la ville ne dépend pas du fait qu’elle soit la plus grande réalité territoriale : les dynasties peuvent bien gouverner de plus vastes territoires. Mais, pour Ibn Khaldûn, la ville en constitue le centre vital ; il établit une comparaison entre la ville et le cœur (qalb) d’où l’esprit vital émane. En ce sens, en parlant des territoires sur lesquels une dynastie exerce son pouvoir, Ibn Khaldûn compare la ville au centre (markaz) d’un cercle et son enceinte à la circonférence, nitâq (Q, I, 292 ; M, I, 318). Pour démontrer que le centre, la ville, constitue le cœur d’un empire, Ibn Khaldûn prend l’exemple de l’empire persan, qui s’écroula à la suite de la conquête, par les musulmans, de sa capitale Madâ’in (Ctésiphon). Au contraire, la conquête musulmane de la Syrie ne provoqua pas la chute de l’empire byzantin, mais seulement une réduction de son étendue, car son centre, Constantinople, ne fut pas conquis. La ville est donc le centre vital du pouvoir tout autant que l’espace social de la civilisation.

La distinction entre les notions de dynastie et de ville a ainsi des conséquences sur les conclusions qu’on peut tirer de la conception khaldûnienne de l’histoire : si on identifie la ville et la civilisation (qui a dans la ville sa destination naturelle) avec la dynastie, on en déduira que la ville et la civilisation suivent nécessairement le sort de la dynastie, c’est-à-dire un cycle éternel d’ascensions et de déclins. Par contre, si on maintient les deux notions distinctes, on découvre que le destin de la ville et de la civilisation n’est pas toujours lié à celui de la dynastie.

Dans les trois principaux passages de la Muqaddima où Ibn Khaldûn illustre le cycle organique du pouvoir, l’objet analysé est la dynastie, avec les souverains qui en incarnent les différents stades évolutifs (Q, I, 248 s., 305 s., 314 s. ; M, I, 271 s., 333 s., 342 s.). Par contre, si on cherche les passages dont l’objet est la ville ou la civilisation, on y décèle un changement, du moins partiel, de perspective. En fait, les passages où Ibn Khaldûn associe le destin de la civilisation et de la ville à celui de la dynastie sont moins nombreux que ceux dans lesquels leur sort sont séparés, et c’est à partir de ces derniers qu’émerge une idée de progrès.

Quand Ibn Khaldûn affirme que le développement de la civilisation (hadâra) est proportionnel à celui de la dynastie et du pouvoir (Q, I, 313 ; M, I, 341), on est amené à croire que la proportionnalité est maintenue aussi dans la phase descendante. Au contraire, il montre que la civilisation, dans le cas des grandes villes, se transmet toujours au nouveau conquérant, et, plus une dynastie est importante, plus sa culture sera vaste et sera transférée à la dynastie suivante (Q, I, 312 ; M, I, 340). Il nous faudra en conclure que les villes ne suivent pas toutes le destin de la dynastie : leur culture peut être maintenue par les dynasties suivantes aussi bien que par des conquérants étrangers. Ibn Khaldûn donne l’exemple de la civilisation préislamique des Banû Isrâ’îl, qui dura mille quatre cents ans (les Banû Isrâ’îl, dans l’ancienne vision islamique, sont les Arabes, les Juifs et les Araméens, tous confondus, de la période avant l’Islam ; Q, II, 251 ; M, II, 761).

Dans le paragraphe qui introduit aux sciences intellectuelles, Ibn Khaldûn explique le parcours historique des sciences en question, des Persans aux Grecs et des Grecs aux Arabes (Q, III, 86 s. ; M, III, 1041 s.). Là, l’auteur de la Muqaddima témoigne, une fois de plus, d’un fin sens de l’observation et d’une grande ouverture d’esprit, là où son analyse de la décadence culturelle de l’Occident musulman débouche sur la reconnaissance d’un principe de progrès dans l’Europe chrétienne, en laissant entendre que celle-ci pourrait en prendre le relais :

« Je viens d’apprendre que les sciences philosophiques sont en grande faveur au pays de Rome et sur la rive nord voisine du pays des Francs. On m’assure qu’on les étudie de nouveau et qu’on les enseigne dans de nombreux cours. Il y aurait de très nombreux traités de ces sciences, beaucoup de gens pour les connaître et d’étudiants pour les apprendre » (Q, III, 93 ; M, III, 1049). Ibn Khaldûn ne se hasarde toutefois pas à des prévisions, pour lesquelles il s’en remet à Dieu.
Pour emprunter le langage hégélien, la civilisation peut ainsi être, à chaque passage, dépassée tout en étant conservée. À partir de ces remarques, se représente l’idée d’un cours historique de l’humanité, dans lequel le moment suivant est supérieur à celui qui le précède.
En conclusion, si la figure dominante dans la théorie khaldûnienne est cyclique, il ne s’agit pas toutefois d’un cercle refermé sur lui-même, impliquant un éternel retour et une réédition des mêmes phases. Le cycle, plus proprement représenté par une spirale, s’ouvre en fait à un développement progressif, en vertu duquel chaque cycle historique déploie une richesse et une potentialité supérieures à celles des cycles qui l’ont précédé.

GIULIANA TURRONI

 Bibliographie

Les citations de la Muqaddima, dans la présente notice, renvoient respectivement à :
Q = Muqaddimat Ibn Khaldûn, Prolégomènes d’Ebn-Khaldoun, texte arabe publié, d’après les manuscrits de la Bibliothèque Impériale, par É. M. Quatremère, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Impériale et autres bibliothèques, XVI-XVIII, B. Duprat, Librairie de l’Institut Impérial de France, Paris, 1858, réimpression Maktabat Lubnân, Bayrût 1992, 3 vol. ;
M = Ibn Khaldûn, Discours sur l’Histoire universelle, trad. V. Monteil (voir ci-dessous).
La trad. anglaise de F. Rosenthal reste une référence incontournable : Ibn Khaldûn, The Muqaddimah. An Introduction to History, translated from the arabic by F. Rosenthal, Bollingen Foundation, New York 1958, 2e éd. Princeton University Press, 1967, 3 vol.
Œuvres d’Ibn Khaldûn en traduction française (références abrégées aux titres originaux) :
Kitab al-‘ibar  : Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, trad. de Slane, Geuthner, n. ed. Paris 1982, 4 vol. ; Peuples et nations du monde, Extraits des ‘Ibar, trad. A. Cheddadi, Sindbad, Paris, 1986, 2 vol.
Muqaddima  : Prolégomènes historiques d’Ibn Khaldoun, trad. de Slane, in Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Impériale et autres bibliothèques, XIX-XXI, Imprimerie Impériale, Paris, 1862, 1865, 1868 ; Ibn Khaldûn, Discours sur l’Histoire universelle, traduction nouvelle, préface et notes par V. Monteil, Commission libanaise pour la traduction des chefs-d’œuvre, Beyrouth 1967-1968, 2e éd. Sindbad, Paris, 1978, 3 vol. ; Le livre des Exemples, I, Autobiographie, Muqaddima, trad. A. Cheddadi, Gallimard, Paris, 2002.
Ta‘rîf  : Le voyage d’Occident et d’Orient, Autobiographie présentée et traduite de l’arabe par Abdesselam Cheddadi, Sindbad, Paris 1980.
Shifâ’ as-sâ’il  : La voie et la Loi, ou le maître et le juriste, tr. R. Pérez, Sindbad, Paris 1991.
Œuvres critiques :
Pour l’abondante bibliographie sur Ibn Khaldûn, on renvoie à : Aziz al-Azmeh, Ibn Khaldûn in Modern Scholarship. A Study in Orientalism, Third World Centre, London, 1981, p. 229-324.
On se limite, ici, aux textes cités :
Ayad (M.K.), Die Geschichts- und Gesellschaftslehre Ibn Halduns, Cotta, Stuttgart, Berlin, 1930.
Bouthoul (G.), Ibn-Khaldoun, Sa philosophie sociale, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1930.
Cheddadi (A.), Ibn Khaldûn, L’homme et le théoricien de la civilisation, Gallimard, Paris, 2006.
Gabrieli (F.), « Il concetto della ‘asabiyyah nel pensiero storico di Ibn Haldûn », in Atti della Reale Accademia delle Scienze di Torino. Classe di Scienze morali, storiche e filologiche LXV, 1929-1930, p. 473-512.
Hussein (T.), Étude analytique et critique de la philosophie sociale d’Ibn-Khaldoun, Pedone, Paris, 1917.
Laroui (A.), Ibn Khaldûn et Machiavel, dans Islam et modernité, La Découverte, Paris, 1987.
Mahdi (M.), Ibn Khaldûn’s Philosophy of History, George Allen and Unwin, London, 1957, n.e. University Chicago Press, 1964.
Nassar (N.), La pensée réaliste d’Ibn Khaldûn, Presses Universitaires de France, Paris, 1967.
Oumlil (A.), L’histoire et son discours, Essai sur la méthodologie d’Ibn Khaldoun, Éd. techniques Nord-africaines, Rabat 1979, 2e éd. Société Marocaine des Éditeurs Réunis, Rabat, 1982.
Pizzi (G.), Ibn Haldûn e la Muqaddima : una filosofia della storia, All’insegna del Pesce d’Oro, Milano, 1985.
Rabi‘ (M.M.), The Political Theory of Ibn Khaldûn, Presses Universitaires de France, Paris, 1967.
Rosenthal (E.), Ibn Khalduns Gedanken über den Staat, R. Oldenbourg, München u. Berlin, 1932 ; Political Thought in Medieval Islam, Cambridge University Press, London 1958.
Talbi (M.), Ibn Haldûn et l’Histoire, Maison Tunisienne de l’Edition, Tunis, 1973.
Turroni (G.) :
Il mondo della storia secondo Ibn Khaldûn, Jouvence, Roma, 2002 ;
« Ibn Khaldûn : penseur classique de l’islam laïque », in M. Campanini (éd.), Studies on Ibn Khaldûn, Polimetrica, Monza, 2005, p. 123-144 ;
« Ibn Khaldûn et le destin de l’histoire humaine entre politique et civilisation », in Z. Ben Saïd Cherni et Georges Labica (éd.), Ibn Khaldûn et la fondation des sciences sociales, Publisud, Paris, 2009, p. 131-141.
Ouvrages généraux de référence :
Le Coran (al-Qor’ân), traduit de l’arabe par R. Blachère, Maisonneuve & Larose, Paris, 1980.
Dozy (R.), Supplément aux Dictionnaires arabes, Brill, Leyde 1881, 2 vol.
Goichon (A.M.), Vocabulaires comparés d’Aristote et d’Ibn Sînâ, Desclée de Brower, Paris 1939.
Lane (E.W.), Arabic-English Lexicon, Williams and Norgate, London, Edinburgh, 1863-1893, Librairie du Liban, Beirut 1968, 8 vol.
Schiaparelli (C.), Vocabulista in arabico, Tipografia dei successori Le Monnier, Firenze 1871.


Pour citer :
Giuliana Turroni, « ‘Umrân : la civilisation dans la théorie khaldûnienne », in Houari Touati (éd.), Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, printemps 2014, URL = http://www.encyclopedie-humanisme.com/?Umran